par John Forge | Sep 25, 2013 | Innovation
La réponse à cette question est facile : il s’agit d’une voiture appartenant au réseau Lyft. Expliquons :
L’aventure a commencé lorsque Logan Green (alors étudiant à l’Université de Santa Barbara) a eu l’idée de partager les coûts de ses trajets à Los Angeles lorsqu’il voulait rencontrer sa petite amie alors étudiante à UCLA. A l’époque (2007) le meilleur système était Craiglist… mais ce système avait une importante restriction : on n’y voit qu’un nom et parfois un numéro de téléphone. Vous ne savez pas à qui vous avez affaire.
Le ciel s’éclaircit soudain lorsque Logan découvrit Facebook. Facebook donne accès à des informations personnelles telles que : âge, photo, adresse, goûts (musicaux en particulier), amis, etc. La seconde révélation fut lorsque Logan découvrit (via Facebook) que John Zimmer faisait la même chose à New York. Après une série de messages (via Facebook), l’idée d’un nouveau service se fit plus claire : ainsi naquit Zimride. Zimride fut créée grâce à un investissement de (FaceBook bien sûr) 250 000 dollars. Après avoir reçu près de 7 millions de dollars, la société, qui entre temps avait créé un service grand public (Lyft), se trouva prête à vendre Zimride à Enterprise Holdings et se concentrer sur Lyft.
Lyft elle-même reçoit 23 millions de dollars début 2013 et 60 millions de dollars en mai. Lyft a aujourd’hui 350 000 utilisateurs et organise 30 000 trajets partagés par semaine.
La sécurité est garantie par les nouvelles technologies utilisées (nous y reviendrons). L’ «expérience» est nouvelle: vous ne payez pas seulement pour une place , mais aussi pour l’opportunité de faire de nouveaux amis (après tout, vous les avez choisi en regardant leurs profils). Dès le premier contact, vous savez que vous ne louez pas un taxi : il y a d’abord l’application qui montre la position de la voiture sur votre smartphone, puis la voiture avec la moustache rose (il s’agissait initialement d’un sourire… d’où la couleur rose), le bonjour (un « fist bump »). Le premier passager est invité à monter à côté du conducteur. Finalement la note d’évaluation est elle-même quasi publique (conducteurs et passagers sont donc aussi jugés sur les notes écrites).
Lyft n’est pas la seule bien sûr. Il y en a d’autres (voir l’encart). Mais la création et le succès de cette société sont exemplaires de la nouvelle génération de services inventés par la Silicon Valley. Nous en étudierons la « mécanique cachée » dans nos prochains articles.
Les différents services de « transport social » :
Location de voiture : Zip Car (location à la minute, vendue pour 500 millions de dollars à Avis en 2012 City Car Share (dont l’objectif est de « retirer »20,000 voitures de la circulation en 2020), drive-now (société qui loue uniquement des BMW).
Location d’une voiture privée : JustShareit (« empruntez la voiture de votre voisin »), RelayRides (qui loue votre voiture pendant que vous voyagez en échange d’un lavage et d’un parking gratuit. Egalement utile lorsque vous débarquez dans un aéroport pour vous rendre en ville).
Trajet partagé : Zimride (dans 350 universités), Lyft, eRideShare, ShareYourRide, RideTester(implanté à NewYork), CarpoolWorld International).
Dispatcher pour conducteurs professionnels : Uber (limousines), Sidecar (cliquez sur votre smartphone au lieu de héler un taxi), Flywheel (pour sociétés de taxis). Ces trois sociétés sont accessibles via smartphone et fonctionnent et remplacentles traditionnelles radios.
Les 2 roues partagés : La société qui fait du Zipcar pour des scooters – Scoot.
par Ariane Zambiras | Sep 18, 2013 | Innovation
Il n’y a que quelques mots gravés au dos des tablettes luminescentes que nous tenons entre nos mains: « Designed by Apple in California. Assembled in China ». Quelques mots qui nous mettent face au constat de la dislocation entre espaces de création (Cupertino et ses banlieues), de production (la Chine) et de consommation (Appleland). Mais de nouveaux acteurs viennent perturber les schémas établis. Ils rendent accessibles aux profanes les outils professionnels du design et de la production pour le plus grand plaisir de tous.
Qui sont les Makers ?
Les Makers sont des bidouilleurs, créateurs d’objets électroniques, de bidules robotiques, développeurs de l’impression en 3D et ils méritent toute notre attention dans un climat où délocalisation et automatisation éloignent toujours plus loin les chaînes de production. Si la pratique du bricolage est bien ancienne (on aurait envie de parler du plus vieux métier du monde si l’expression n’était pas déjà prise), sa présence croissante dans l’imaginaire collectif et les pratiques quotidiennes commence à se faire remarquer.
Ces bricoleurs/euses ordinaires s’approprient les objets et les détournent de leurs usages attendus. Le terme « objets » est à entendre ici dans une acception très large : petit écran tactile installé à la place du vieil auto-radio dans la voiture pour naviguer dans la ville, construction d’un arbre à chat ou d’un jardin à papillons sur mesure, automatisation du système d’arrosage, avion téléguidé, clavier laser projeté sur une plaque de plexiglas pour pouvoir prendre des notes sur les meilleures idées qui nous viennent toujours quand on est sous la douche.
Le terme de « Hacker » est aussi employé pour désigner ces bricoleurs, mais beaucoup souhaitent s’en éloigner en raison de la connotation négative associée à ceux qui sont perçus comme des pirates de l’Internet.A quoi jouent-ils ?
Les Makers possèdent des compétences transformationnelles : ils savent coder, coudre, souder, démonter, réassembler, percer, polir, jouer. Comme on pourrait s’y attendre, les hommes sont surreprésentés dans la population, ainsi que ceux dont la profession se rattache à l’univers technologique (programmeurs, ingénieurs). Tous ont envie d’ajouter une dimension ludique, créative et souvent artistique à leur vie quotidienne. La communauté ainsi formée se retrouve pour s’entraider dans des aventures qui visent à l’amélioration, dans un sens pratique et esthétique, de notre espace vital collectif.
L’élaboration d’une communauté de savoir-faire
La dimension collective est au cœur du mouvement. En effet, les Makers expliquent tout de suite dans les entretiens que les savoirs et savoir-faire mobilisés dans le cadre des projets sont élaborés de manière collective, et qu’ils ont vocation à être accessibles par le plus grand nombre. Ce souci de la mise en commun est visible dans l’élaboration des documentations très fournies pour les projets open-source, caractéristiques des logiciels libres par exemple, où l’ensemble de la communauté participe à la rédaction de la documentation sur le modèle « wiki » qui permet une forme d’écriture collective.
L’articulation de la contribution individuelle à la communauté
Il y a des règles de courtoisie assez strictes qui aident à l’articulation de la contribution individuelle au projet collectif : le concepteur original du projet, qu’il s’agisse d’un logiciel (software) ou matériel (hardware), doit toujours être mentionné. Chaque personne qui apporte une modification au produit original doit expliquer précisément la nature de sa contribution : son travail est ainsi identifié comme un apport individuel mis à disposition de tous. Il est aussi interdit de modifier le type de licence caractéristique de l’objet : un objet « libre » restera libre, et ne pourra pas se retrouver « fermé ». Il reste propriété de la communauté.
L’émergence d’un mouvement Maker, dont la force collective dépasse la somme des petits bricolages qui le composent, a été facilitée grâce aux lieux qui font exister ces communautés. Ces lieux sont à la fois virtuels et réels. Du côté des lieux virtuels, on trouve les forums de discussion Internet, les « wiki », c’est-à-dire ces plateformes d’écriture collective qui facilitent la rédaction des documentations pour l’utilisation de logiciels ou la conception de matériels. Les lieux physiques où se retrouvent les Makers sont les « hackerspaces », des locaux ouverts où sont mis à disposition du public toute sorte d’outils pour la conception d’objets : imprimantes 3D, fraiseuses de précision, découpeuses laser, perceuses à colonne etc.
[Pour plus d’information sur les hackerspaces, on pourra se reporter au podcast réalisé par Colas Zibaut pour Silicon-Valley.fr].
Que fait-on dans un hackerspace ?
Quelques exemples: vous pouvez vous asseoir sur une chaise pivotante devant une petite extension qui ressemble à une tête d’aspirateur, mais qui est en réalité un scanner en trois dimensions. L’image en relief est transmise au logiciel qui donne ensuite les instructions à l’imprimante pour la production de votre portrait façon buste romain.
[Pour plus de détails sur la magie de l’impression en 3D, on pourra se reporter à l’ouvrage de la spécialiste sur la question : Mathilde Berchon].
Les perceuses haute précision sont utiles aux bijoutiers, aux dentistes, aux menuisiers. Certains viennent programmer des petits ordinateurs Raspberry Pi, qui font la taille de deux cartes de crédit, et y installer l’interface de navigation Navit pour se fabriquer un petit GPS sur mesure. D’autres travaillent les tissus, et impriment des T-shirts individualisés etc.
Depuis 2006, les Makers ont leurs propres foires d’exposition, les Maker Faires, grands terrains de jeux et de démonstrations où se retrouvent les passionnés de l’esprit « DIY » (Do It Yourself, i.e. « à faire soi-même »). La première Maker Faire a eu lieu dans la Silicon Valley à San Mateo en 2006, et depuis, elles fleurissent un peu partout à la surface du globe, et réunissent plusieurs milliers de passionnés. Les activités de bidouillage coexistent avec les réflexions collectives et politiques, comme par exemple la réforme des méthodes d’apprentissage à l’école, les manières de rendre l’aide humanitaire plus efficace ou encore les moyens de créer de nouvelles formes d’énergie.
Et le business dans tout ça ?
Quand passion de l’innovation coexiste avec création de valeur, venture capitalists, business angels et business plans ne sont pas loin. Si c’est l’esprit désintéressé du partage et de la contribution à la communauté qui motive le gros des troupes makeuses, certains projets se développent jusqu’à l’ambition de la réussite commerciale.
Le crowdsourcing (externalisation de la production à la foule) est l’engrais parfait pour cette expansion. Que ce soit pour l’obtention des premiers financements, avec les plateformes de crowdfunding comme Kickstarter, ou pour le développement des idées en commun (peer production, open source, user-generated content), les nouvelles interfaces du web permettent la collaboration efficace d’individus éparpillés et la mise en place de projets à vocation commerciale.
L’entreprise Makerbot est un exemple de commercialisation réussie. L’entreprise vend des kits au grand public pour que chacun puisse construire sa propre imprimante 3D, de la même façon qu’on monte une étagère Billy achetée chez Ikea. Les projets sont open-source à la base, c’est-à-dire que toutes les instructions pour l’assemblage, les matériaux à choisir, la mise en fonctionnement sont disponibles gratuitement. L’entreprise Makerbot vous facilite simplement la tâche en rassemblant dans un même paquet tout ce dont vous aurez besoin. Les imprimantes continuent à s’améliorer grâce à « l’alchimie des multitudes » d’utilisateurs qui contribuent aux mises à jour. Pour aider à la commercialisation des kits, la firme de capitaux-risqueurs The Foundry Group a investi dix millions de dollars dans le projet en 2011.
[J’emprunte la notion d’« alchimie des multitudes » à Dominique Piotet, dans l’ouvrage co-écrit avec Francis Pisani, Comment le web change le monde, Pearson, 2011].
L’hybridation du profit et de l’opensource
La cohabitation entre projets opensource, qui s’améliorent grâce à une multitude de contributions désintéressées, et recherche du profit provoque parfois des tensions, comme quand Makerbot a annoncé en 2012 que l’entreprise ne rendrait pas public les informations nécessaires pour la construction du modèle d’imprimante « Replicator 2 ».
Néanmoins, cet espace de collaboration entre opensource et commercialisation est un moteur d’innovation qui mérite toute notre attention, nous invite à réfléchir à la notion de propriété intellectuelle « ouverte », à renouveler nos modèles économiques et à mieux considérer le rôle du web participatif dans la constitution d’un savoir collectif.
En mettant à la disposition de tous les outils nécessaires à l’élaboration de prototypes, les hackerspaces contribuent à la déconcentration et la démocratisation des processus de conception et d’innovation, qui ne sont plus réservés aux « professionnels ».
[Pour prolonger ces réflexions, on pourra se reporter aux chapitres 6 et 7 de l’ouvrage Comment le web change le monde cité plus haut].
Multiplication des lieux de production
Ce changement dans le processus de conception, de plus en plus délocalisé et éparpillé, est soutenu par la démocratisation des chaines de production. Les usines chinoises acceptent de plus en plus les commandes individuelles et customisées pour ceux qui souhaitent commercialiser leur prototype. Cet élargissement de l’accès à la production se passe aussi plus près de nous. L’atelier de production TechShop, qui met à disposition du public des outils de production de qualité industrielle, envisage de se développer sur le modèle de Kinko’s, et d’ouvrir de nombreux ateliers de production accessibles au grand public.
Pour conclure
Tous les foyers n’ont pas encore d’imprimante 3D qui traine dans un coin du salon. Cependant, les mécanismes qui ont donné naissance à la culture Makers sont pour nous tous l’occasion d’approfondir notre réflexion sur les points suivants :
– Les modalités de l’externalisation de la production à la foule ;
– La généralisation du plaisir de créer ;
– Les innovations apportées en opérant un retour à l’objet et au monde – pied-de-nez à ceux qui critiquent les fuyards des mondes virtuels ;
– Le renouvellement des modes d’apprentissage et de diffusion des savoir-faire.
Remerciements
Cet article a bénéficié des avis éclairés d’une multitude de gens brillants, cités par ordre alphabétique :
- Nicolas Bassand pour sa relecture méticuleuse;
- Mathilde Berchon pour un long entretien;
- Elodie et Pierre Grandin, heureux créateurs de l’arbre à chats et contributeurs au projet Navit
- Dominique Piotet pour l’inspiration du sujet;
- David R. pour son accueil chaleureux au Ace Monster Toys, le hackerspace d’Emeryville.
Ariane Zambiras
http://arianezambiras.com/
par John Forge | Sep 3, 2013 | Innovation
Quand la déConstruction va, tout va !
En combinant Web 2.0, Cloud Computing, téléphones mobiles, bases de données réparties, et analyse de données, les jeunes pousses de la Vallée déconstruisent nos modes de vie en imaginant de nouvelles connexions. Vive la différance (oui, avec un « a ») dirait Jacques Derrida !
Expliquons : dernière-née de ces tendances sociales est l’intégration des « FoodTrucks » dans la vie des employés de « La Baie » (qui regroupe San Francisco, la Silicon Valley, la East Bay et Marin County). Chaque « FoodTruck » est dirigé par un chef (parfois aussi chef d’un grand restaurant), et offre sa spécialité gastronomique : salades aux avocats, moussaka, spaghettis alla carbonara, sushi, thai curry, etc. Il y a souvent un des camions de « Crème Brulée ». Les grandes sociétés (comme Google, ou Twitter), les centres de bureaux, et les même les administrations les invitent et leurs réservent des emplacements. Les employés, eux, sont ravis : aller voir les camions, n’est plus simplement se nourrir, c’est La Fête !
Une foule diverse se presse devant les camions et chacun se construit un repas en flânant de camion en camion. On y parle toutes les langues, on échange des idées de repas, on goûte entre copains, tout en gazouillant ou en prenant des photos et vidéos, immédiatement postées sur Vines ou YouTube. Le paiement se fait par RFID, Paypal, ou via Square.
Mais c’est ce qui ne se voit pas le plus important : une telle expérience spontanée demande des camions construits sur mesure et des sociétés pour les vendre ou les louer, une nouvelle génération de chefs, des organisations auxquelles souscrivent les camions pour réserver les emplacements, des développeurs pour les sites et les « Apps », des sociétés de marketing digital pour financer ces efforts, et bien sur des systèmes mobiles de paiement. Le tout fait sans plan initial, sans loi spécifique, juste par une coopération spontanée entre des milliers de partenaires qui veillent à ce qu’un système ouvert, facile à utiliser existe et puisse se développer !
Mais la déconstruction ne s’arrête pas là : quand considère t-on qu’un hôtel ou un taxi, ou même une banque, restent-ils trop « 20ème siècle » ? Restez à l’écoute !
par Cedric Godart | Juil 13, 2013 | Innovation
Nokia va lancer fin juillet, en primeur aux Etats-Unis, son Lumia 1020, un smartphone doté d’un capteur photo de 41 mégapixels. Une petite révolution que la Silicon Valley soutient en ordre dispersé. Délit de non-initié?
Le fabricant de téléphones portables finlandais a présenté ce jeudi un nouveau smartphone doté d’un appareil photo haut de gamme inédit sur le marché. Le PDG de l’entreprise, Stephen Elop, a conclu un accord avec l’opérateur AT&T, lequel pourra le commercialiser en primeur pour son réseau 4G LTE dès le 26 juillet. Son prix sera de 299 dollars US pour tout engagement de 24 mois auprès de l’opérateur.
L’Europe et ses marchés clés – France, Grande-Bretagne, Allemagne et Italie – devront cette fois attendre plus de deux mois pour en profiter: signe que la marque Nokia tente de s’imposer par la force sur le marché nord-américain, largement dominé par l’iPhone et la cohorte de téléphones Android.
Peur de l’étranger? Nokia USA est pourtant situé au coeur de la Vallée, mais qui le sait?
Quels sont les atouts du Lumia 1020?
Un écran AMOLED de 4,5 pouces et une résolution HD, un processeur double coeur Snapdragon, plus de 2 Go de mémoire vive, 32 Go de stockage, une caméra frontale de 1,2 Mpbx et l’ensemble des éléments de connectivité les plus récents: Bluetooth, GPS, NFC, 2G, 3G, 4G, LTE.
Et puis il y a l’argument photogénique. C’est le premier Windows Phone à embarquer une optique de 41 mégapixels, une “sensation” dont seul le 808 PureView dévoilé en février 2012 (dans la gamme Symbian) pouvait se vanter. Le nouveau Lumia est doté d’un capteur lui permettant de prendre des photos atteignant 7712 sur 5360 pixels. Il peut aussi prendre simultanément une copie haute résolution d’une photo (38 Mpx) pour l’édition et une plus légère (5 Mpx) pour les échanges sur Internet.
Des premières secondes aux dernières exclamations des différents représentants de Nokia à New-York, le terme “photo” est devenu le leitmotiv d’une entreprise high-tech en recherche de sa singularité, pour renforcer l’attraction de la marque face à Apple et Samsung.
L’entreprise mise sur deux secteurs d’investissement clés: la photo/vidéo et le son. Dans l’optique de cette spécialisation photo, un kit de développement (SDK) – décodage, intégration, filtres, effets, retouches- est livré gratuitement aux développeurs par Nokia pour créer des applications dédiées à la photo.
Analystes attentifs et attentistes
Lors de la conférence de presse organisée à New-York, l’un des premiers avis d’experts a été envoyé à la presse par IDC (Ndlr: avant même que la présentation ne soit terminée). John Delaney y estimait qu’une “technologie d’imagerie aussi avancée ne suffira pas pour assurer le succès d’un produit”. Il reconnaît toutefois que les “capacités photo et audio de l’appareil vont attirer l’attention des utilisateurs vers ses produits.”
Chez IHS, Daniel Gleeson parle d’un “outil marketing pour impressionner les consommateurs.”, mais prévient: “ce Lumia 1020 seul ne ranimera pas Nokia.” Tony Cripps, un expert du cabinet Ovum, reconnaît toutefois que la voie tracée par Nokia – imagerie, son – est “cruciale pour sa stratégie à long terme en vue de se différencier sur le marché.”
Names, names, names!
Nokia le sait: sans les fers de lance du secteur mobile, peu de chances de salut. Le Finlandais n’a pas ménagé sa monture pour accompagner ce lancement de “big names”, principalement issus de la région de la Vallée. Sans dévoiler de date de lancement officiel, le constructeur s’est offert la collaboration de:
– Vine (Twitter), San Francisco.
– Flipboard, Palo Alto.
– Yelp, San Francisco.
– Hipstamatic, San Francisco.
– Path, San Francisco.
Manque encore à l’appel? Instagram!
Même si la future application Ogg Pro signée Hipstamatic permettra – en rustine – de poster sa photo sur le réseau social de photos retouchées et de vidéos courtes, voilà une absence symbolique. Kevin Systrom, son CEO, a pourtant assuré fin juin qu’aucun projet n’était prévu à court terme, que ce soit sur BlackBerry 10 ou Windows Phone 8. Difficile toutefois pour Nokia de ne pas revendiquer une voix au chapitre Instagram, quand on sait que 100 millions d’utilisateurs actifs sont convaincus chaque mois par cette application phare.
Chargé des partenariats pour Nokia, Bryan Biniak ne ménage pas ses efforts pour attirer le réseau sur la plateforme mobile de Microsoft, si possible en exclusivité pour la gamme Lumia, à en croire des confidences publiées sur le site TechCrunch: “Nous y travaillons sans relâche”, confie-t-il, “en collaborant de manière étroite avec Facebook, entreprise avec laquelle Microsoft entretient des relations de proximité, ce qui s’est notamment traduit par l’introduction du moteur Bing sur le réseau social.”
Jusqu’ici, Instagram s’est d’abord imposé sur iPhone pour s’étendre sur l’inévitable Android – un système d’exploitation où la qualité des capteurs photo n’est pas toujours de nature à redorer son blason, mais l’argument du nombre frappait trop fort. Nokia représente un atout de taille pour Instagram: la qualité de ses capteurs photos Carl Zeiss, à plus forte raison sur les modèles 920, 925, 928 (Verizon) et le futur 1020.
Lost in translation?
Attirer dans ses filets des entreprises à succès comme Path, Vine, Yelp, Hipstamatic, ce n’est pas si mal au fond.
Aurait-il fallu que la présentation se déroulât au plus près des ténors de la Silicon Valley, à San Francisco, plutôt qu’à New-York? Sans doute. L’erreur de symbole avait déjà été commise par BlackBerry au lancement du Z10 début 2013.
Pourquoi à San Francisco et pas New-York, Toronto, Paris ou Londres? Pour s’inscrire dans le sillon. Une entreprise finlandaise – quelque géant qu’elle fût jusqu’à l’arrivée de l’iPhone – souffre probablement d’un déficit d’image et de proximité avec le “pouvoir en place”, en plus d’avoir opté pour un système d’exploitation face auquel les développeurs font toujours preuve d’un mélange d’attraction d’arrière-plan et d’attentisme difficile à lever. Quelques jours plus tôt, Dropbox organisait à San Francisco une conférence dédiée à ses produits et développeurs. Deux systèmes d’exploitation ont été abordés: iOS et Android. Windows Phone a été entièrement snobbé.
Nokia dispose pourtant déjà d’une représentation à Sunnyvale, mais ce qui pourrait passer pour un showroom IKEA de plus dans la région doit être renforcé pour ne plus passer pour un office du tourisme finlandais aux yeux des natifs du coin, Apple et Google. En février dernier, nous vous racontions déjà la décision de Samsung de s’implanter à Moutain View, alors que l’entreprise dispose d’une représentation à San Jose depuis plus de vingt ans: le sillon.
Avoir misé sur Windows Phone était un pari risqué pour Nokia. Son PDG Stephen Elop le reconnaît volontiers, mais s’y tient. L’entreprise est devenue un allié qui permet à Microsoft de garder le cap et de faire évoluer un Windows Phone qui peine toujours à s’imposer: Nokia aurait pu – et peut toujours – céder à l’attraction d’Android. Les destins de Nokia et de Microsoft sont ainsi liés. Avoir, pour Nokia, réuni à la table de son Lumia 1020 autant de noms prestigieux issus du monde mobile – et de la Vallée – est un accomplissement remarquable. Nokia rend Windows Phone 8 un peu plus “cool”. C’est déjà cela de gagné.
Le choix du marché américain pour un tel lancement va se traduire par une large couverture et promotion de rentrée 2013 via AT&T, qui en bénéficiera en exclusivité. Avant que d’autres terminaux – couvrant d’autres besoins et d’autres budgets! – ne viennent soutenir le mouvement estival? Une invitation sera-t-elle bientôt lancée au Yerba Buena Center for the Arts à San Francisco pour le lancement d’un futur nouveau produit de la marque? Une future tablette?
Le sillon a probablement besoin d’être dérangé par des étrangers aux voisins du cru, Google et Apple, dont les relations de haine et d’amitié ont formé un duopole asphyxiant pour un marché du mobile recroquevillé dans la Baie. Microsoft et Nokia sont mieux armés et financés que le canadien BlackBerry dans cette course à la survie sur les marchés occidentaux.
En attendant, Nokia publiera ses résultats le 18 juillet prochain. Aucun miracle n’est attendu… d’ici là.
par Clementine Malgras | Juil 12, 2013 | Innovation
La Silicon Valley aime placer sous le projecteur (ou montrer du doigt, c’est selon) les femmes influentes qui y travaillent. Entrepreneurs ou à la tête de géants du web, elles donnent une image idéale du secteur numérique dans la vallée, où la méritocratie triomphe des composantes sociales et physiques.
A y regarder de plus près, il s’avère que l’écosystème digital, partout dans le monde, n’est pas si tendre à l’égard du sexe féminin. Il faut du courage et beaucoup de ténacité pour y faire carrière, et il est difficile de s’échapper de sa condition de “femme tech”. De nombreux projets, dont celui sur lequel nous nous sommes penché, veulent mettre à mal les stéréotypes en encourageant les femmes à se lancer dans l’industrie.
“Si elles l’ont fait, alors moi aussi”, voilà le credo du jour !
http://storify.com/SiliconValleyFr/entreprendre-au-feminin
par Cedric Godart | Juin 28, 2013 | Innovation
Les Etats-Unis restent, avec l’Asie, très en pointe sur la 4G LTE. Pas étonnant: le haut débit mobile y est une religion. Qu’avez-vous à y gagner dans votre vie personnelle et professionnelle?
L’Internet de poche s’est installé dans nos vies, sous l’impulsion de terminaux de plus en plus puissants: smartphones, tablettes et demain montres et lunettes connectées. Après EDGE et la 3G, la 4G LTE commence à très largement se répandre aux Etats-Unis – à plus forte raison dans la Silicon Valley -, alors que l’Europe se montre beaucoup plus à la traîne dans le domaine.
Les deux continents face à face ?
– 19% de connexions en 4G aux Etats-Unis contre 2% en Europe ;
– Trafic moyen de 810 Mo aux Etats-Unis contre 415 Mo en Europe.
De quoi parle-t-on ?
La dénomination 4G n’est pas une réelle nouveauté. Elle a même prêté à confusion durant près de deux ans auprès des opérateurs américains.
Si l’icône 4G a été très tôt visible sur bien des terminaux mobiles, elle correspondait en réalité à une 3G survitaminée (chez AT&T comme chez T Mobile), autrement appelée 3,75G HSPA+ (jusqu’à 21 Mbps) et 3,75G Dual Carrier (jusqu’à 42 Mbps).
Aujourd’hui, une autre technologie est déployée à très grande échelle aux Etats-Unis, baptisée LTE. Quel avantage? Augmenter les débits pour permettre une utilisation plus fluide et naturelle des services Internet en mobilité, allant de 20 à 100 Mbps, ce qui correspond peu ou prou aux vitesses actuellement disponibles auprès de la plupart des fournisseurs d’accès à Internet à la maison et au bureau.
Ces réseaux utilisent (pour la première fois en mobilité) des technologies exclusivement IP. Cela signifie que les protocoles employés pour la signalisation, les transferts de données et la voix sont les mêmes que ceux d’Internet. Conséquence de cette émergence de réseaux mobiles “réservés aux données”: la plupart des opérateurs mobiles réservent les tuyaux 4G au trafic Internet ; les réseaux GSM et UMTS (2G et 3G) sont ainsi petit à petit recyclés pour transporter de la voix (vos appels téléphoniques) et des transferts de données nécessitant moins de puissance.
Les types de réseaux 4G LTE sont nombreux. Il existe plus d’une vingtaine de bandes de fréquences hertziennes différentes: un véritable casse-tête pour les constructeurs de smartphones et tablettes actuellement. Aux Etats-Unis, les bandes 4, 12, 13, 17 et 25 sont utilisées. En Europe, ce sont principalement les bandes 3, 7 et 20 qui sont favorisées. Résultat: un appareil 4G européen ne fonctionnera probablement pas en 4G aux Etats-Unis. Et vice versa.
Pourquoi la 4G change tout
Là où la 3G actuelle – déjà largement saturée – nécessite des appareils très récents pour atteindre des vitesses de 21 ou 42 Mbps, la 4G introduit d’emblée un débit beaucoup plus élevé de 100 Mbps (même si les débits constatés sont en général de 20 ou 30 Mbps).
Grâce à un temps de latence beaucoup plus court (le temps de réponse à une action sur un terminal mobile), le réseau est plus réactif et l’accès aux données beaucoup plus rapide et fluide: cela se remarque immédiatement en consultant une page web, une application vidéo ou en effectuant un appel vidéo. Les domaines dans lesquels la 4G devrait s’illustrer dans les mois et années à venir sont nombreux: pilotage à distance, surveillance vidéo, traduction simultanée, médecine, vidéo et reportages, équipements automobiles.
Une Bay Area déjà bien couverte
La portée des antennes va de quelques centaines de mètres en milieu urbain jusqu’à 50 km en zone rurale peu peuplée. La très grande consommation en données mobiles dans la Silicon Valley nécessite un équipement de taille.
3 opérateurs ont déjà largement déployé la 4G LTE à San Francisco et dans la Baie:
– Verizon (couverture très complète de la Vallée, dans l’East Bay ainsi que dans le Nord et le Marin County)
– AT&T (en plus de San Francisco, en avril dernier, plusieurs localités se sont ajoutées chez AT&T: San Rafael, Pittsburg, Antioch, Livermore, Brentwood et Novato)
– Sprint (la ville de San Francisco est couverte depuis février 2013)
Quant à l’opérateur T-Mobile, il dispose de quelques antennes 4G, principalement dans le Financial District, ainsi qu’à San Jose. D’ici la fin de l’année 2013, la ville de San Francisco devrait être entièrement “servie”. Restera alors à introduire la mise à niveau de la 4G vers ce que l’on appelle déjà en Asie la LTE Advanced. De 20 à 30 Mbps de moyenne, on pourra alors passer à 100 Mbps en se déplaçant et 1 Gbps (une vitesse folle) en restant au même endroit.