L’identité unique de la Silicon Valley : un point de vue belge en quatre points

L’identité unique de la Silicon Valley : un point de vue belge en quatre points

Silicon Valley : cette fameuse péninsule de la Californie qui foisonne de startups…et où l’on retrouve presque autant de légendes que d’entreprises. Sous les étoiles de la Valley, les entrepreneurs ne comptent pas les moutons pour s’endormir : ils comptent les millions de dollars qu’ils espèrent pour leur levée de fonds afin de rester éveillés.

Mais quoi de mieux que de se rendre sur le terrain pour comprendre le fonctionnement – et la réussite – de cette région ? C’est la question à laquelle ont répondu la France et la Belgique au début du mois de juin à travers deux délégations officielles. Du côté français, c’est Fleur Pellerin, la ministre de l’économie numérique, qui a fait le déplacement dans la Silicon Valley pour 4 jours intensifs. Presque sous forme de relais, la ministre française quitte la région le jour où la Mission Economique belge, présidée par le Prince Philippe de Belgique, arrive dans la Valley avec un emploi du temps rempli pour 3 jours de visite. Deux délégations officielles de la francophonie en même temps chez nous ? Silicon-Valley.fr n’a pas manqué l’occasion d’aller à leur rencontre. Après avoir interviewé Fleur Pellerin, nous nous sommes rendus auprès des entrepreneurs belges qui avaient fait le déplacement dans la baie de San Francisco. Analyse des facteurs explicatifs de l’identité unique de la Silicon Valley en quatre points.

 

1) Marketing : l’expérience avant tout

Lors de sa Grand-Messe annuelle qui s’est récemment tenue à San Francisco, Apple a révélé son nouveau manifeste de design. A travers une vidéo au ton poétique accompagnée d’une affiche, la firme de Cupertino entend rappeler de manière forte sa spécialité et sa différenciation, ayant fait d’elle un cas d’école : l’amélioration de l’expérience utilisateur. Vidéo ou affiche, on retrouve le coeur du message véhiculé dans les phrases suivantes : This is what matters. The experience of a product. How it makes someone feel. Will it make life better ? Does this deserve to exist ?. Cet exemple d’Apple permet d’illustrer une réalité de la Silicon Valley, bien ressentie par l’un de nos entrepreneurs belges :

Dans les entreprises que nous avons rencontrées dans la Silicon Valley, on s’est bien rendu compte que tout le message marketing est centré sur l’expérience. Pour les produits ou services développés, les entreprises veulent toujours mettre l’accent sur la question du “life improvement” : elle cherchent à montrer aux utilisateurs en quoi le produit ou le service va pouvoir transformer leur vie d’une certaine manière. Mais tout cet aspect marketing est mal perçu en Europe car c’est vu comme quelque chose de superficiel. 

– Alexis Serneels, co-fondateur de Doodle, agence web –

En effet, si les marché ultra-compétitifs obligent de manière générale les entreprises à jouer à tout prix la carte de la différenciation dans leur valeur de proposition, celles de la Silicon Valley se concentrent sur l’expérience utilisateur que fournissent leurs produits et services au travers des problèmes qu’ils résolvent. Lors du dernier Startup Weekend de la Silicon Valley auquel nous avons participé à Palo Alto du 7 au 9 juin, les juges n’ont eu de cesse de rappeler l’importance de cette différenciation : “en quoi votre produit/service est-il différent pour résoudre de manière effective le problème utilisateur auquel vous vous attaquez?” demandaient-ils de manière systématique aux équipes candidates lors des présentations finales. Steve Blank, l’un des gourous de la Silicon Valley, a également montré que la compréhension du problème utilisateur à résoudre fait partie de la “découverte du client” et constitue la première étape essentielle du développement d’un produit ou d’un service pour une entreprise : Blank a construit sa théorie à travers le Customer Development Model (CDM), développé pour la première fois dans l’ouvrage The Four Steps to the Epiphany  et réutilisé notamment comme méthode de travail lors des Startup Weekends.

 

2) Financement : et le capital fut

Nous sommes des entrepreneurs belges de la scène technologique, web et mobile, et les problèmes de financement des projets d’entreprise sont au cœur de nos questions. Ce voyage nous permet de mieux comprendre les mécanismes de financement des startups de la Silicon Valley. 

– Nicolas Frenay, Vice-Président de Web Mission, délégation d’entrepreneurs belges  –

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : une analyse du Martin Prosperity Institute effectuée à partir des données de la National Venture Capital Association et des PwC MoneyTree reports montre que, sur l’année 2012, les deux zones métropolitaines de la Bay Area, à savoir San Francisco-Oakland et San Jose-Sunnyvale, sont les zones américaines les plus actives en termes de capital-risque, totalisant 10,8 milliards de dollars investis sur l’année. En d’autres termes, la région a attiré 40% du montant total des investissements en capital-risque aux Etats-Unis en 2012, et 30% du nombre de contrats de financement signés. Vous avez dit domination ?

L’hégémonie du modèle de financement de la Silicon Valley s’explique par la proximité entre capital-risqueurs et entrepreneurs. Cette proximité est d’abord géographique. Parmi les entreprises américaines de capital-risque les plus puissantes, la plupart sont en effet basées dans la Silicon Valley : KPCB, Andreessen Horowitz, New Enterprise Associates, 500 Startups, True Ventures, ou encore US Venture Partners. Dans son dernier rapport annuel, la National Venture Capital Association montre que 49% des investissements en Californie sont effectués par des entreprises californiennes de capital-risque. De plus, ces entreprises californiennes de capital-risque concentrent 71% de leurs investissements au sein de l’Etat.

La proximité entre capital-risqueurs et entrepreneurs est surtout relationnelle : les capital-risqueurs choisissent avec attention les entrepreneurs pour lesquelles ils décident d’investir et une relation de mentoring va se développer. Les investisseurs conseilleront leurs poulains sur les bonnes décisions et les bonnes directions à prendre pour développer la startup en question et bien sûr obtenir eux-même un retour sur investissement intéressant. Pour cette relation étroite de “guide à élève”, les rendez-vous en face à face seront clairement privilégiés par rapport aux communications à distance. Encore une fois, les chiffres parlent d’eux-mêmes : pour l’année 2010, toujours selon la National Venture Capital Association, l’industrie du capital-risque a investi 3945 dollars par personne vivant dans la Silicon Valley contre seulement 43 dollars par personne à l’échelle des Etats-Unis, soit un ratio d’environ 92 contre 1.

 

3) Culture : mon entrepreneur, ce héros

La Silicon Valley n’est pas un lieu mais un état d’esprit. La citation désormais devenue célèbre – et attribuée à John Doerr de chez KPCB – rappelle en effet que la Silicon Valley, c’est avant tout la culture de l’entrepreneuriat. La région démontre ici sa marque de fabrique, loin des visions qui peuvent être ressenties de l’autre côté de l’océan Atlantique :

En Belgique comme en France, on n’aime pas les entrepreneurs. Lorsque l’on quitte la grande entreprise dans laquelle on travaille pour monter sa propre affaire, on est mal vu : on devient le méchant patron qui créé de l’argent. Aux Etats-Unis et dans la Silicon Valley, on est complètement à l’opposé : l’entrepreneur, c’est celui qui créé de la valeur. 

– Sabrina Bulteau, CEO et co-fondatrice de Be Connect, agence de marketing social et mobile  –

Dans la Silicon Valley, on a vu que les entrepreneurs sont très optimistes. Les porteurs de projets savent qu’il faut un peu rêver pour avancer, et au final, 100% des gagnants ont joué, alors pourquoi ne pas tenter sa chance ? En anglais, on dit d’ailleurs “I take a chance”, alors qu’on dira “je “prends un risque” en français, ce qui montre que l’on retrouve les différences de mentalité même dans le langage. De plus, contrairement à l’Europe où l’échec est considéré comme une fin, il est considéré ici comme une vraie leçon qui permet de rebondir et de continuer à avancer.  

– Frédéric Feytons, CTO de Tapptic, agence de conception d’applications mobile –

Une très faible aversité au risque, une facilité d’adaptation, une volonté de collaboration et de partage d’idées, une acceptation de l’échec et enfin un optimiste à toute épreuve: voilà quels sont les éléments-clés qui façonnent le caractère des entrepreneurs de la Silicon Valley. Pour comprendre l’état d’esprit qui règne dans la Valley, il ne faut donc pas se tourner uniquement du côté des entreprises, mais également beaucoup du côté des esprits et des coeurs des Hommes qui font cette région : ici, on est convaincu que le progrès de la société s’effectue à travers l’innovation et la technologie, et l’entrepreneur est bel est bien celui qui porte ces flambeaux. Dans la Silicon Valley, l’entrepreneur est donc une icône de société, tout autant que va l’être l’acteur à Los Angeles ou le financier à New York. Quand on est catholique, on va au Vatican et quand on est entrepreneur, on va dans la Silicon Valley avait même lancé récemment Philippe Kahn, le serial-entrepreneur français installé depuis une trentaine d’années dans la Valley et connu notamment pour être l’inventeur de la première solution mondiale d’appareil photo pour téléphone.

 

4) Au-delà de la légende, quelle est vraiment “the secret sauce of Silicon Valley” ?

A travers ce voyage, on se rend compte qu’on est finalement bien en Europe. Tout le monde parle des “success stories” comme Facebook ou Twitter bien sûr, mais on oublie toutes les entreprises de la Silicon Valley qui n’ont pas réussi à percer. Nos échanges avec les acteurs d’ici nous ont permis aussi de voir qu’une création d’entreprise dans un environnement aussi compétitif que celui-ci va impliquer des efforts de temps et des efforts financiers très conséquents de la part de l’entrepreneur : en ce qui me concerne, je ne veux pas dormir dans mon bureau ou vivre à trois dans une chambre.

– Ibrahim Ouassari, Fondateur et CEO de Urbantech, conseil en technologies de l’information –

Dans le livre Secrets of Silicon Valley sorti cette année, Deborah Perry Piscione rappelle que le premier ordinateur avait été créé à l’Université de Pennsylvanie et que le premier semi-conducteur avait été inventé à Bell Labs dans le New Jersey, mais qu’aucune de ces deux technologies n’avait été commercialisé là-bas : c’est arrivé dans la Silicon Valley. Le secret de cette région dynamique, c’est bien cela : être un écosystème de rencontre entre les idées et leur réalisation. La Silicon Valley est un bassin qui fait jaillir les idées innovantes et qui permet de les exécuter et commercialiser sur le marché. Comme on l’a vu dans la deuxième partie, les financements sont disponibles. Les talents le sont aussi, pour ainsi dire à portée de main : dans un rayon de moins de 50 kilomètres autour de San Francisco, on retrouve deux des meilleures universités du monde avec les renommées Stanford et Berkeley.

Certes la Silicon Valley offre des opportunités incomparables pour développer un projet d’entreprise. Mais il ne faut pas confondre opportunité et facilité. En d’autres termes, ne pas être victime du “biais du survivant”, comme expliqué par Rolf Dobelli dans son livre The art of thinking clearly : dans la vie quotidienne, le succès est rendu beaucoup plus visible que l’échec, ce qui fait que nous possédons une tendance à systématiquement surestimer nos chances de réussir. Derrière un succès populaire, se cachent des centaines de personnes qui n’ont pas réussies : cela concerne par exemple les auteurs, les photographes, les acteurs, les chanteurs, les athlètes, les présentateurs…et bien sûr les entrepreneurs. Ainsi, si les entrepreneurs sont dans la Silicon Valley comme des poissons dans l’eau, beaucoup ont bu la tasse et il ne faut pas l’oublier : quand les projets d’entreprises s’écroulent en même temps que les rêves, l’addition peut être très salée.

Tout autant que le rêve américain, celui de la Silicon Valley a vécu et l’image d’une région où l’on peut débarquer avec une simple idée et générer des millions du jour au lendemain est erronée. Encore une fois, la vraie valeur d’un produit ou d’un service innovant ne réside pas dans l’idée même mais la combinaison entre cette excellente idée et sa bonne exécution sur le marché. Comme l’a rappelé le fondateur de l’incubateur The Founder Institute dans un article que nous avions présenté sur notre groupe LinkedIn, les meilleures idées ne sont pas nées, elles sont cultivées. Et force est de constater que tous les entrepreneurs ne sont pas des bons jardiniers.

Certains lieux de la Silicon Valley aident à mieux saisir la notion d’écosystème, à l’instar de Rocket Space à San Francisco : à la fois espace commun de travail (plus communément appelé coworking space) et incubateur, Rocket Space permet de réunir d’une part un grand nombre de startups au même endroit mais également de faire le lien entre les startups incubés et les capital-risqueurs ou bien les grandes entreprises intéressées par les technologies développées par les jeunes génies. C’est cette particularité qui a plu à certains entrepreneurs belges en visite :

On voit cette région comme une “cuisine” par laquelle il faut passer dans la construction de sa recette business. La Silicon Valley permet un enchaînement dans le processus de mise sur le marché : on développe son produit ou son service, on attire ensuite les capitaux pour soutenir sa croissance ou bien on se fait racheter par des grosses entreprises, c’est comme ça que ça marche. 

– Luc Vandergoten, Directeur à BTR services, services IT pour les banques et assurances –

 

Conclusion : ça s’en va…et ça revient ? 

A travers une petite réflexion sur les méthodes de marketing et de financement de la Silicon Valley, ainsi que sur sa culture particulière, on comprend mieux les grands traits qui forment l’identité de ce lieu, tout en faisant attention de ne pas tomber dans le stéréotype d’une région bénie. Après avoir eux aussi été au contact de ces grands thèmes lors de leur voyage, nos amis entrepreneurs belges sont repartis avec l’avion de la Mission Economique en direction de l’Europe. Reviendront-ils ? La question reste ouverte. Certains nous ont en effet confessé qu’ils se verraient bien déménager ici pour (re)démarrer l’aventure entrepreneuriale Made in Silicon Valley dans quelques années ou bien lorsqu’ils auraient une idée d’entreprise vraiment intéressante.

Parmi les habitants du Plat Pays, certains étaient déjà venus et n’ont finalement jamais fait le chemin en sens inverse. C’est le cas de Chandra de Keyser, qui a co-fondé il y a de cela quelques mois MoodMe, une application mobile de communication émotionnelle, et qui nous permet de conclure avec une citation percutante: C’est ici que ça se passe, le monde entier consomme des technologies Made in Silicon Valley.

Au moins, vous saurez vers quelle partie du monde diriger vos jumelles quand il s’agira de surveiller la sortie de votre prochain téléphone préféré.

 

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Pour aller plus loin :

1 –  Steven Gary Blank, The Four Steps to the Epiphany: Successful Strategies for Products that Win, Cafepress.com, 2nd edition, 2005.

2 – Deborah Perry Piscione, Secrets of Silicon Valley: what everyone else can learn from the innovation capital of the world, Palgrave Macmillan, 1st edition, 2013.

3 – Rolf Dobelli, The art of thinking clearly, Harper, 1st edition, 2013.

Prism: vos données plus sûres à Roubaix ou dans la Silicon Valley?

Prism: vos données plus sûres à Roubaix ou dans la Silicon Valley?

Des photos sur Flickr. Des vidéos sur Youtube. Des échanges privés sur Gmail, Skype et Facebook. Rien de ce qui est privé ne semble pouvoir échapper aux indiscrétions de la NSA? Paranoïa ou besoin de discrétion, la question se pose de savoir si les données sont plus sûres de l’un ou l’autre côté de l’Atlantique.

Dans un épisode de la série “Person of Interest”, le personnage Finch déclare que le gouvernement américain a créé Facebook pour que les utilisateurs alimentent eux-mêmes de gigantesques bases de données sur leur vie privée. La réalité a peut-être dépassé la fiction.

Edward Snowden, par qui le scandale est arrivé, a travaillé durant quatre ans pour la NSA, l’Agence de Sécurité Nationale américaine. On sait, grâce à lui, que deux collectes de données ont été opérées par Washington. L’une concerne l’opérateur Verizon et des données sur les appels de ses abonnés. L’autre associe le gratin des géants Internet. Ces entreprises – dont la plupart sont établies dans la Silicon Valley -, ont communiqué des photos, vidéos et courriels appartenant à des non-résidents, notamment en Europe.

Résumé de la situation par Olivier Ertzscheid, sur le blog Affordance.info: “La NSA surveille Google, Facebook et les autres. Google, Facebook et les autres nous surveillent. Nous savons vaguement que nous sommes potentiellement surveillés. Mais nous ne surveillons pas pour autant l’ensemble de nos interactions & conversations en ligne.”

Tim Berners-Lee, considéré comme l’inventeur du Web, estime que le programme PRISM représente une surveillance injustifiée et « une intrusion dans la vie privée des citoyens qui menace les fondements de la démocratie

A Radio Canada, Martin Lessard nous rappelle qu’à chaque check inlike, envoi de photo via les réseaux sociaux, nous façonnons de plus en plus précisément notre “ombre virtuelle”. Martin nous rappelle que nous sommes tous devenus de “petits points sur un écran dans le sous-sol d’une agence de sécurité quelque part aux États-Unis.”

Time to move?

Jusqu’à Prism, vous n’auriez peut-être jamais pensé retirer vos données personnelles de serveurs situés aux Etats-Unis: vos courriels sur Gmail, vos photos sur Skydrive, vos statuts Facebook, vos tweets et même vos appels via Skype. L’air de rien, les révélations d’Edward Snowden ont alerté les utilisateurs sur les risques d’héberger leurs données sur des serveurs localisés aux Etats-Unis. Tout bénéfice pour les éditeurs européens, bien décidés à profiter de leur insoumission à l’agence de sécurité américaine, la NSA.

Mobilisation dans l’Hexagone autour des champions locaux. Les données françaises doivent rester en France, semble indiquer la Ministre Fleur Pellerin (voir notre interview).  «L’affaire Prism, si elle est avérée, rend pertinent de localiser les data centers et des serveurs sur le territoire national afin de mieux garantir la sécurité des données. Nous prenons, peut-être un peu tard, conscience de la nécessité  d’être moins dépendants des infrastructures, des plateformes ou des points d’accès à Internet autres qu’européens.»

Pas un hasard si OBM est l’une des principales solutions groupware de l’Administration française. La suite, éditée par le groupe LINAGORA, est utilisée par de grands groupes publics et privés en France, mais également par les milieux universitaires.  Son PDG, Alexandre Zapolsky, rappelle volontiers qu’«OBM a une empreinte unique sur le marché français. C’est la seule solution réellement Open Source capable d’offrir une alternative industrielle aux solutions de communication propriétaires.»

Et c’est loin d’être le seul exemple: Hubic, lancé par la société OVH Telecom, s’avance comme un nuage à la Dropbox entièrement géré à Roubaix, dans le Nord. L’air de rien, il est aujourd’hui le troisième hébergeur mondial, avec plus de 145.000 serveurs et 700.000 clients.

A Bruxelles aussi, certains se frottent les mains et rassurent les abonnés payants d’un service en ligne. «La plupart de demandes viennent de professionnels qui veulent s’informer sur la localisation de nos serveurs», souligne Patrick De Schutter, co-fondateur de la suite bureautique ContactOffice (un groupware d’origine belge concurrent d’Outlook, Zimbra et Google Apps). «D’autres demandes ont trait aux procédures en cas de demande d’information de la part d’instances officielles, ainsi qu’à nos politiques de sauvegarde et de sécurité. A toutes ces questions, nous leur répondons que les données de nos clients sont hébergées dans un centre de données en Belgique. Nous contrôlons entièrement nos serveurs : aucun sous-traitant n’a accès à nos infrastructures. Les autorités n’y ont pas davantage accès : elles doivent nous solliciter pour obtenir des données de nos clients. Nous ne les transmettons que si nous recevons un ordre signé du juge compétent.»

Reaction time

Une solution? Oui, selon Tim Wu, professeur de Droit à l’Université de Columbia. Il s’est exprimé à Londres il y a quelques jours et n’y va pas par quatre chemins. Pour lui, nous portons la responsabilité de ce péché par omission : nous utilisons des services Internet qui communiquent des informations à la NSA. En quittant Facebook, en choisissant un autre moteur de recherche que Google, en évitant AOL, Yahoo, les canaux de surveillance s’éloignent de vous.

Face à ce scénario catastrophe, les géants de l’Internet US réagissent. Le risque est énorme que les utilisateurs se détournent de leurs nuages. Aucun acteur majeur du web ne semble échapper à la liste des entreprises soumises à l’indiscrétion: Apple, Google, Facebook, Yahoo!, Microsoft (Skype notamment), Amazon. Le 11 juin dernier, David Drummond, Chief Legal Officer de Google,  rédigeait une missive à l’Attorney General et au FBI. Objectif: se défendre d’avoir communiqué des informations et jouer la transparence totale.

Patrick de Schutter (ContactOffice) insiste: «Notre métier consiste à héberger et protéger les données de nos clients et non à les analyser pour en tirer des profils marketing et afficher de la publicité.» Allusion à peine voilée à l’affaire Prism, mais également à la publicité contextuelle permettant à Outlook.com, Yahoo! Mail et bien entendu Gmail de rentabiliser leur gratuité.

Et la Commission européenne?

Dans une lettre évoquée par l’agence Reuters, la Commissaire Viviane Reding s’inquiète d’un «éventuel accès de grande ampleur aux données concernant les citoyens européens.» Elle réclame (encore timidement) des «explications et des éclaircissements sur le programme Prism, sur d’autres programmes américains relatifs à la collecte et à la recherche (de données) et sur la législation en vertu de laquelle de tels programmes peuvent être autorisés.»

Quels droits pour les Européens sur le sol américain? Depuis deux ans, l’UE tente (en vain) de négocier un accord transatlantique de protection des données qui limiterait l’accès des Etats-Unis aux données européennes.

D’autres opinions?

Interview avec Fleur Pellerin

Interview avec Fleur Pellerin

 

Fleur Pellerin était cette semaine dans la région de San Francisco. Après s’être promenée sur le Campus de Google, avoir déjeuné à la cantine d’Airbnb, et s’être entretenue avec des start-up françaises, nous la retrouvons à l’Atelier BNP Paribas, à l’occasion d’une soirée où elle rencontrera les entrepreneurs français installés à San Francisco.

Un Ipad entre les mains, Madame la Ministre a eu la gentillesse de répondre à nos questions.

Interview intégrale

httpvh://youtu.be/dNyhSSBNBxM

Nous l’avons interrogé sur ce qu’elle entend par entrepreneur, les inspirations qu’elle retire de  l’éco-système d’innovation qu’est la Silicon Valley, et les idées qu’elle rapportera dans ses valises.

Le cadre de l’interview était bien à propos pour une discussion qui portait sur l’innovation, la longue perspective du couloir jouait comme métaphore du futur. Un couloir pas tout à fait anodin du reste, puisque dans ce couloir mythique, résonnent encore les pas des plus grands gourous de la Silicon Valley: Steve Jobs, Bill Gates, Lary Page… etc.

Agile dans son rapport à l’écran tactile comme face à nos questions, Fleur Pellerin nous a renseigné sur l’action prochaine du gouvernement en faveur du numérique.

1ère Partie

httpvh://youtu.be/pGd1ydSkLo8

2ème Partie

httpvh://youtu.be/cUSkpG_rQoU

 

Construire Le Web

Construire Le Web

Alors que la “Sharing Economy” est sur toutes les lèvres, et notamment à l’honneur pour la prochaine édition de la conférence LeWeb London, nous revenons en Storify sur l’histoire et les clés du succès de cette conférence.

Quoi de mieux qu’une agrégation de tweets, post Tumblr, photos Instagram, statuts Facebook, présentations sur SlideShare pour raconter le plus gros événement tech européen?

 

Le Web London, c’est dans trois semaines maintenant, les 5 et 6 juin 2013. La plus grosse conférence autour des nouvelles technologies en Europe s’exporte en Albion. L’occasion pour nous de décortiquer le phénomène avec Bastien Vidal qui travaille avec Loïc & Géraldine.

http://storify.com/SiliconValleyFr/le-web

Local Wiki : la carte et le territoire

Local Wiki : la carte et le territoire

On l’appelle mémoire vivante du quartier, l’Ancien ou les graviers blancs de la place du village. On la trouve dans des scènes des films d’Almodovar, quand des vieux espagnols à la peau burinée par le soleil méditerranéen s’assoient sur la fontaine de la place de la mairie. Elle est l’expérience de vie commune incarnée dans des lieux. La carte et le territoire. A priori, elle reste étrangère à un langage numérique fait de 1 et de 0, ne se déclinant que dans les rides et cicatrices qui parcourent le paysage urbain. Et pourtant, elle a trouvé une forme digitale qui lui ressemble : chaleureuse et en perpétuelle évolution. Présentation d’un wiki pas comme les autres.

A l’origine, il était une envie pressante

L’aventure des Local Wiki a commencé dans la ville de Davis, en Californie. Outre une population composée pour moitié d’étudiants, cette ville a la particularité de bénéficier de 188 jours d’ensoleillement par an, et d’avoir le pourcentage de personnes se rendant au travail à vélo la plus élevé du pays. L’expression laid-back et le bleu du ciel californien auraient très bien pu naitre ici.

C’est aussi sur ce terrain propice que s’est développé une forme alternative de wiki, le Local Wiki. Celui-ci est une plateforme gratuite, ouverte aux modifications sans autres restrictions que les propos à caractère injurieux et dont le code est en open-source.

Le site, lancé en 2004 est rapidement devenu très populaire. Au bout d’un mois il est le 1er site consulté par les résidents de Davis pour obtenir des informations sur leur ville. Comme sur tout wiki, les pages sont modifiables par les visiteurs afin de permettre l’écriture et l’illustration collaboratives des documents numériques qu’il contient. On y trouve des articles fantasques, qui ont contribués à la popularité du site, comme cet article qui détaille les options pour se vider la vessie dans les lieux publics de la ville ou celui sur les meilleures pistes-cyclabes à emprunter en état d’ébriété.

Mais le site ayant une portée locale, c’est aussi l’endroit dédié à la recherche d’un chat perdu, à la comparaison des prix immobiliers par quartier, ou une carte olfactive de la ville, dénichant les meilleurs spots pour humer la douce odeur émanant des fermes alentours.

Le succès du site et sa réplicabilité permise par le code-source ouvert ont contribué au développement des Wiki Locaux un peu partout à travers le monde (on déplore cependant qu’aucun n’ai pour l’instant vu le jour en France : amis citoyens numériques de l’Hexagone, à vos claviers!). 

Un Wikipedia à visage humain

Comme son grand frère Wikipedia, Local Wiki se construit par l’ajout et la confrontation de différentes versions d’un même sujet, et protège son contenu par les Creative Commons, une solution alternative légale aux personnes souhaitant libérer leurs œuvres des droits de propriété intellectuelle.

Cependant, une différence majeure avec Wikipedia réside dans le fait que les éditeurs se connaissent (ce sont des voisins) et qu’ils utilisent leur véritable identité civile plutôt qu’un pseudonyme. Se constitue ainsi une tribu engagée dans un projet à but informatif, gratuit et pensé dans une perspective de long terme. Humaniser les interactions entre les éditeurs et établir un lien de proximité avec les usagers, voilà le projet.

Autre opposition radicale avec Wikipedia, le contenu n’est pas modéré. Il est de ce fait plus libre. Quand les règles qui encadrent la publication sur Wikipedia produisent un contenu au point de vu neutre, à l’ambition universaliste, aux sujets balisés, les Local Wiki opposent une totale liberté tant quant au sujet, qu’à son traitement. Face à un Wikipedia factuel et impersonnel, ici, c’est la subjectivité qui est porteuse de vérité. C’est dans la perception de la ville par les acteurs et dans leurs récits qu’il est possible d’approcher une vérité de la ville.

Le savoir est alors d’abord une connaissance partagée et en ce sens, les Local Wiki sont des wiki plus humains qui opposent à la rigidité de Wikipedia (jetez un œil au nombre de références nécessaires pour publier un article sur un footballeur par exemple) une autre forme d’autorité, celle de la confiance dans le regard de l’humain et dans sa capacité à exprimer une vision.

Finalement, où réside le savoir ? Dans l’expérience humaine ou bien dans l’agrégation de contenus par des robots ? Qui croire ? Le grenier des grands-parents ou la multiplication des liens hypertextes renvoyant à la même info ?

S’approprier l’Open Data

Local Wiki est également une des expériences les plus intéressante en matière d’utilisation des données produites par les collectivités locales. Le Local Wiki de la ville  d’Oakland a par exemple organisé une journée de l’Open Data dont le point d’orgue était un editathon (lisez « un marathon de l’édition d’articles sur le Wiki » en bon français). L’objet du travail portait sur les discussions du conseil municipal et a abouti à la mise en ligne d’un nombre important d’informations cruciales qu’il n’était auparavant pas possible de trouver sur Internet, comme la liste des anciens membres du conseil municipal, un répertoire des accès aux ordinateurs publics de la ville, des indications pour trouver les ressources nécessaires à la recherche d’emplois, à l’accès aux bibliothèques, etc

Cet editathon s’est tenu dans la bibliothèque publique de la ville d’Oakland et avait aussi pour objectif de rendre numérique une information jusque là analogue. Des historiens sont venus partager leurs recherches et des habitants ancestraux leurs souvenirs attachés à la ville.

Organiser la mémoire collective sur Internet

C’est un autre versant du projet, non moins intéressant : avec les Local Wiki, c’est bien de la conservation d’une expérience de la vie commune qu’il est question. A l’heure actuelle, où se situe la mémoire d’une communauté sur Internet ? Peut-être dans des groupes Facebook où l’info est amassée et discutée sans système de classification ou sur des pages web disséminées et parfois périmées. A vrai dire, l’expérience d’une recherche historique sur le web relève d’une sorte de déambulations dans un no man’s land d’un nouveau genre, fait de liens hypertexte sans suite et de pages web n’ayant pas poursuivit l’aventure au-delà de la technologie du HTML 2.0. A s’y méprendre, on se croirait dans l’espace, où des milliers d’objets provenant de satellites tombés en panne gravitent sans qu’il soit possible de les nettoyer. Or les Local Wiki permettent d’agréger et de donner une forme durable à ces informations qui sont échangées sur les réseaux sociaux avec une durée de vie extrêmement courte. Compilation de photos révélant les changements urbains, saisie de l’évolution lente d’une ville : le Local Wiki est tout ça à la fois, et se faisant, produit un renversement sur la représentation du temps et de ses effets sur Internet. Quand les réseaux sociaux se focalisent sur l’instantanée, qui devient un présent perpétuel, Local Wiki laisse la part belle au temps long.

 

 

A l’heure du dépassement des débats sur le web 2.0, la forme prise par « l’alchimie des multitudes » décrite par Francis Pisani et Dominique Piotet dans leur ouvrage « Comment le web change le monde » pourrait être celle-ci. Une plateforme collaborative ouverte, citoyenne, communautaire, locale mais connectée, avec chevillée au corps cette intuition que le web est un medium du changement social.

 

Le succès de Pheed : 3 points clefs pour 3 tendances

Le succès de Pheed : 3 points clefs pour 3 tendances

Lancé en Octobre 2012, l’application de partage Pheed peut d’ores et déjà être canonisée “dernière née des réseaux sociaux”. Portée par 2 millions d’utilisateurs, la start-up de Santa Monica est devenue la dernière app fétiche des médias US qui la voient déjà rivaliser avec les réseaux sociaux établis. Plus encore, Pheed est un formidable miroir des tendances qui structurent le web social d’aujourd’hui: Silicon-Valley.fr vous proposent 3 points clefs pour comprendre les dynamiques qui déterminent un tel succès. Pour une explication de l’utilisation de Pheed, vous pouvez relire notre précédent article sur le sujet.

1. Un “Tout en Un” par et pour le mobile

Pheed rassemblent les features essentielles des réseaux sociaux existants en une expérience mobile unique. Application Content-agnostic, Pheed permet aux utilisateurs de partager indifféremment messages, photos, vidéos  de manière aussi bien publique, au travers de Hashtags, que privée avec différents cercles d’amis. Les ingénieurs de Google Plus apprécieront. Comme l’explique OD Kodo, CEO et co-fondateur, “We just looked at everything as users, and what we’re missing, and what we’d like to have in a product”. C’est certainement cette proximité avec les besoins de l’utilisateur qui a donné naissance à une feature unique: la diffusion vidéo en streaming live.  Après tout pourquoi poster 15 photos d’un concert quand on peut le diffuser en direct à ses amis?

Plus encore, c’est la fluidité du produit mobile qui explique le succès de Pheed. Une équipe technique resserrée a travaillé pendant 8 mois -ne perdons pas de vue que ce type d’application peut être désignée en l’espace de quelques heures- sur les moindres détails de l’interface avant de la soumettre à des mois de A/B testing pour affiner la moindre nuance de gris. Bilan des courses: Pheed est un produit extrêmement léché avec une navigation intuitive et agréable.

2. Un public ciblé et actif: les milennials

Appelez les comme cela vous chante, digital natives, Génération Y ou encore Milennials : ils représentent 81% des utilisateurs de Pheed (14-24 ans). C’est en pleine conscience de cause que les fondateurs de Pheed ont désigné le produit pour ce public. À ce titre, le lancement de Pheed est un véritable bijou de planning. À quelques miles des collines d’Hollywood, la start-up de LA est parvenu à compter de nombreux people parmi ses premiers utilisateurs, de Justin Bieber à Acacia Brinley. Ces formidables influenceurs ont relayé l’application sur leurs comptes Twitter et Instagram faisant grimper le buzz -et le nombre d’utilisateurs- dans les highschools californiennes. La viralité naturelle du produit – “plus j’invite d’amis à utiliser l’app, plus cela sera sympa” – se charge du reste et propulse Pheed sur la 3ème place des applications les plus téléchargés sur l’Appstore.

À l’image de Tumblr dont la croissance est portée également par un public adolescent, la génération millenial devient une audience de choix. Ces technology-enthusiasts kids font un usage intensif de ses applications sociales: pour exemple,  l’utilisateur moyen de Pheed ouvre l’application 14 fois par jour. Ces chiffres illustrent les récents travaux de l’ethnologue Danah Boyd qui font grand bruit dans la Silicon Valley et soulignent le pouvoir libératoire et addictif de la technologie auprès des plus jeunes. Après tout, Justin Bieber compte plus de followers qu’Obama.

3. Des solutions de monétisation uniques

Côté investisseurs et observateurs cette fois, le succès de Pheed s’explique par un système de monétisation innovant, centré sur le contenu produit par l’utilisateur. Chaque Pheeder peut choisir de rendre payant l’accès à son contenu (entre $1.99 et $34.99) sur lequel Pheed prélève une commission. Ainsi, pour avoir accès à un contenu exclusif, plusieurs milliers d’utilisateurs se sont déjà abonnés au Pheed David Guetta, Rihanna et autre Lady Gaga. Si cette solution ne semble pas en mesure de pouvoir générer des revenus suffisants sur le long-terme, il a permis à l’équipe de Pheed d’être financièrement autonome jusqu’à aujourd’hui. C’est parce qu’ils avaient les mains libres de touts VCs ou Angels que l’équipe de Santa Monica a pu consacrer extrêmement long (presque 1 an) au design du produit final.

Plus largement, cette approche innovante renvoie à l’hystérie californienne pour monétiser les applications mobiles gratuites et non-marchandes comme Pheed. La faune de la Silicon-Valley est dorénavant très sceptique face aux applications qui viennent au monde sans source de revenue naturelle et l’alternative nouvelle ouverte par Pheed est à ce titre séduisante. Centrer la création de valeur sur l’utilisateur lui-même est un tour de passe-passe ingénieux qui écarte toute publicité intrusive et fatale pour l’expérience utilisateur mais également l’upgrade Pro et les sections Shoppings souvent douteuses. Se faisant, Pheed franchit une étape dans la place centrale de l’utilisateur dans le web d’aujourd’hui: l’utilisateur ne fournit plus seulement le contenu mais est également source de revenue.