Radio reportage: histoire et ambiance de San Francisco

Radio reportage: histoire et ambiance de San Francisco

 

A l’occasion de la visite de François Hollande à San Francisco, qui devrait avoir lieu autour du 12 février, Silicon-Valley.fr vous invite à (ré)-écouter deux belles émissions que France Culture a consacré à notre ville. Points de vue d’architectes, d’artistes, d’informaticiens reconvertis, de quoi apprendre beaucoup sur l’histoire de San Francisco et la formation de l’identité de ses quartiers.

 

Lien vers la première partie.

Lien vers la deuxième partie.

 

Bonne écoute !

 

 

 

 

Bonne année 2014 !

Chers lecteurs et partenaires, toute l’équipe de Silicon-Valley.fr vous souhaite une excellente année 2014.

L’année 2013 a été l’occasion pour nous de vous inviter à rejoindre la Communauté Francophone 2.0 de la Silicon Valley. Depuis quelques semaines, vous pouvez suivre les actualités de la Silicon Valley sur nos nouvelles pages et sur les réseaux sociaux. En espérant que vous y trouvez des lectures enrichissantes, nous vous souhaitons nos meilleurs vœux pour l’année à venir.

Innovation : Que 2014 soit pour vous l’année des initiatives à succès. Investissez dans des idées nouvelles et tirez parti des nouveautés de votre environnement pour améliorer vos projets.

Lifestyle : Que 2014 vous permettent de concilier avec soin vie de famille et travail en vous inspirant des tendances de vos influenceurs et en guidant vos amis, vos proches et vos collaborateurs vers vos découvertes.

Buzz : Que 2014 vous permettent de vivre des émotions simples ou intenses et de partager des moments forts avec les personnes à qui vous tenez.

Voyages ? : Que 2014 devienne pour vous l’année des expériences stimulantes et des voyages enrichissants. Concrétisez vos envies d’ailleurs, découvrez de nouveaux horizons et offrez à votre parcours professionnel une évasion nécessaire pour vous ouvrir de nouvelles perspectives de réussite.

Rejoignez le groupe « Silicon-Valley » pour recevoir très bientôt des nouvelles du premier Business Trip proposé par Silicon-Valley.fr.

Très bonne année 2014 à tous.

Mickael Esnault et Dominique Piotet

Le père Noël de San Francisco s’encanaille !

Les pères Noël de San Francisco sont de joyeux lurons… et ne me parlez pas des flocons de neige ! Le ciel est bleu. Le fond de l’air juste un peu frais, et la foule est jeune et joyeuse : beaucoup de T-shirts, bluejeans et sandales. Non, il ne s’agit pas d’une belle journée de printemps à Paris, mais d’un samedi de décembre à San Francisco. Michèle et moi nous dirigeons vers le grand Magasin Macy’s sur Union Square. En face de nous la station du Bart (Bay Area Rapid Transit, le métro de San Francisco) dégorge une foule dense venue de toute la région (la Bay Area). Mais cette ligne de voyageurs est différente : vue de loin la ligne entière est rouge vif et elle fait déjà une centaine de mètres de long. Nous nous rapprochons pour mieux comprendre. 

Sortant du métro nous voyons arriver des milliers de… pères Noël. Ils portent le grand habit rouge bordé de blanc, le bonnet, la grande barbe en coton et les bottes. Au milieu de ces pères Noël nous découvrons des personnages « de Noël » : petits flocons de neige (bottes blanches, tutu, et décolleté généreux), des petits daims (Dancer et Pranzer sont souvent choisi par une partie de la population, car ils sont supposés être « gay ») complets avec les sabots, les cornes, les colliers (incrustés de faux diamants). Il y a enfin des sapins (en habits de polyuréthane vert, semé de LEDs clignotantes), les pingouins (aucune idées d’où ils viennent ceux-là, mais sous la tulle transparente, les version mâles et femelles ne sont pas difficile à identifier). Vous l’avez compris, il s’agit d’une version « adulte » de Noël. Ce qui fait de cette fête une fête unique est que SantaCon (c’est le nom de ce rassemblement) est spontané, utilise activement twitter et FaceBook, et rassemble des milliers de jeunes (et aussi quelques moins jeunes)  de toutes origines, de toutes les races et classes sociales. Tous sont unis (malheureusement) par un objectif commun, le « bar hoping », qui consiste à fréquenter le plus grand nombre possible de bars avant la tombée de la nuit, et/ou tomber sur le trottoir dans un sommeil éthylique.

Sur le square qui marque le centre du « Financial Quarter » la foule devient plus dense. La place est déjà bien pleine.

 La foule continue de grossir, venant des rues avoisinantes et du Bart. Les premières bouteilles de bière (cachées selon la loi américaine dans des sacs de papier bruns) apparaissent. La foule n’est pas menaçante. Elle est jeune et joyeuse et attend que les bars ouvrent (vers 16 heures). De nombreux « Santas » ont des jouets qui seront déposés dans de grandes boîtes et donnés aux enfants des pompiers de la ville. Union Square commence déjà à déborder dans les rues avoisinantes. De là la foule remontera vers California Street, ou descendra vers l’Embarcadero (au bord de la baie).

SantaCon a commencé à San Francisco en 1994 avec une poignée de pères Noëls. Le rassemblement est maintenant devenu mondial et se déroule dans 300 villes et 44 pays. Le plus grand SantaCon en 2012 était celui de New York qui a rassemblé 30,000 personnes. 

A partir de là, l’histoire devient un peu moins racontables. Sur Polk Street (le coin des bars en bas de Nob Hill), la foule fait la queue en face de chaque entrée de bar, et certains Père Noëls commencent à avoir du vent dans les voiles, les petits flocons de neige sont de plus en plus déshabillés, et les daims gambadent sans retenue ! Il est temps pour nous de rentrer à la maison…

 

De San Francisco

John Forge

Photos : John Forge

 

Gregory Jost : “Mozilla est le tiers de confiance du web, aujourd’hui !”

Gregory Jost : “Mozilla est le tiers de confiance du web, aujourd’hui !”

Gregory Jost affiche le sourire soulagé des âmes arrachées à la morosité européenne. Son arrivée dans la Vallée coïncide avec la fin de l’année 2012: “J’ai toujours aimé voyager. Une expérience ici, après avoir travaillé pour Mozilla Europe en France, cela ne se refusait pas. Je n’ai pas refusé.”

“Greg” fait partie des 71 salariés de la Fondation Mozilla dont la langue maternelle est le français – le nombre total est actuellement de 1033 -. Il est chargé de la promotion de la Fondation depuis les bureaux de Mozilla à San Francisco, situés à quelques encablures de l’Embarcadero et du Bay Bridge. Le reste de l’équipe locale s’est installée à Mountain View, non loin de son concurrent et partenaire Google. San Francisco dispose également d’un espace communautaire, accessible à tous. Il est dédié à la rencontre et au partage – avec les développeurs, contributeurs, traducteurs – via des événement réguliers, accessibles à tous.

Le web est LA plateforme

“Les Etats-Unis – et San Francisco en particulier – sont pour moi le berceau du web. Mon travail y est d’autant plus enrichissant”, suggère-t-il. Sa passion pour le web ouvert l’a amené très tôt à collaborer au projet Mozilla. “Mon passé professionnel, ce furent tout d’abord des agences, puis Mozilla. Presque naturellement je dirais, et avant tout pour les valeurs que nous défendons, qui sont les miennes !” Des valeurs qu’il regroupe autour de trois thèmes: l’universalité du web, le contrôle des données et la confidentialité. Sont-elles toujours au premier plan des avancées technologiques en Silicon Valley ? Pas sûr ! “Nous travaillons ici en Silicon Valley avec… et face aux géants comme Apple, Microsoft et Google. Notre mission est de peser et d’informer pour ne pas enfermer le web dans des plateformes. Le web est la plateforme du futur. C’est aussi pour cela que nous développons Firefox OS sur les marchés émergents… mais également, de plus en plus, dans des grands pays comme l’Allemagne ou l’Italie. Ce n’est que le début.”

La différence entre la France et les Etats-Unis ? “La curiosité, le mouvement et aussi une positivité ambiante. Pour ce qui est de Mozilla, peut-être moins de religion autour du web. Ce n’est pas étonnant si la présence de Mozilla en Europe est historiquement liée à la France. Là-bas, on a une vision plus sociale d’Internet. Ce n’est pas uniquement français, mais très français. Ici, nous sommes au pays du business et des brevets. Le défi est plus difficile à relever, puisque nous rappelons des valeurs fondamentales de partage et d’interopérabilité au moment où le web mobile bascule dans des guerres de… clochers et de brevets.”

Lorsque vous installez Firefox sur un ordinateur, un smartphone ou une tablette, le navigateur vous rappelle vos droits, avant de vous suggérer d’introduire un compte de synchronisation. Cette approche résume assez bien le mandat de la Fondation Mozilla: “être le tiers de confiance du web.” Il répète l’expression plusieurs fois durant l’entretien: “Chez Mozilla, on est là pour créer des produits dont on rêve. Nous n’affichons pas d’objectif de rentabilité. Nous ne sommes pas là non plus pour effrayer les internautes, mais pour leur rappeler qu’ils sont libres. Et qu’ils peuvent avoir confiance en nous, entre notre indépendance.”

Google, le plus gros contributeur financier

En 2012, 90% des revenus de la Fondation Mozilla étaient générés grâce au partenariat noué avec Google. C’est 5% de plus qu’en 2011 et cette année ne devrait pas afficher de surprise en la matière. “Oui, c’est vrai. D’un côté, ce sont nos partenaires. Nous développons pour Android, en plus de Firefox OS, notre propre OS mobile. En même temps, nous restons totalement indépendants dans nos démarches et nos développements. Les relations sont plutôt bonnes dans la Vallée entre nous. Nous travaillons dans cet esprit d’interopérabilité et d’universalité.”

A quoi servent les 311 millions de dollars ? “A poursuivre le développement du navigateur, sur ordinateur, sur mobile. Notre part de marché reste proche des 20 %. Cela nous donne un poids, un contrepoids même. Nous sommes et resterons un contre-pouvoir. Et puis, cet argent, il sert aussi à remplir nos missions de formation, notamment via le site Webmaker.” Le projet Webmaker veut faire des internautes non pas seulement des acteurs, mais également des bâtisseurs de l’Internet… libre.

Les perks de la Silicon Valley – #1 Les corporate shuttles

« Perk » signifie littéralement « avantage en nature », « à-côté », « privilège ». Difficile de retenir notre engouement et notre curiosité face aux perks que les Google, Apple and co. offrent à leurs employés : restaurants gourmets gratuits par-ci, vélos colorés mis à disposition sans-antivol par-là, ou encore terrains de beach-volley pour se détendre et profiter du soleil de la Silicon Valley entre midi et deux.

Nous entamons une série de vignettes dédiées à l’analyse de ces avantages en nature, et à la façon dont ils impactent le visage socio-économique de la baie.

Ces bus qui transforment le visage de la Silicon Valley

Première vignette : les shuttle bus, ces navettes mises en place par les géants de la Vallée, qui permettent aux employés de se rendre gratuitement entre leur lieu de vie (San Francisco) et leur lieu de travail (le Sud de la Baie).

Pour être au cœur du cool, de nombreux employés de la région choisissent d’habiter à San Francisco plutôt que dans le Sud de la baie. Près de 35 000 employés font chaque jour le trajet le long des autoroutes 101 et 280, et profitent du confort d’un « transport de masse » tout en douceur, avec une place assise garantie, le wifi, et l’assurance d’économiser une somme considérable qui n’est pas dépensée en essence, entretien de la voiture ou billet de Caltrain (qui permet aux San Franciscains de rejoindre le Sud de la Valley).

 

Une démarche altruiste ? Pourquoi les entreprises mettent-elles en place ces navettes

Qu’est-ce qui, du point de vue des entreprises, motive les dépenses considérables nécessaires à la mise en place des navettes ? La première réponse est la construction d’une image « green » et « sustainable », deux mots-clés très à la mode ici. Google explique par exemple que les véhicules utilisés roulent au biodiesel, et permettent ainsi d’éviter l’équivalent de ce que 4 000 voitures produiraient en CO2 par an. ­­­

Une deuxième raison, pragmatique mais un peu moins reluisante pour les entreprises, est que les parkings arrivent à saturation sur les campus qui s’étendent moins vite que le nombre d’employés. Le modèle « une place de parking par employé » n’est pas viable.

Il faut par ailleurs déployer des trésors d’ingéniosité pour séduire et fidéliser de nouvelles recrues de plus en plus volatiles, qui préfèreront signer avec l’entreprise qui leur propose le trajet maison-boulot le plus agréable.

 

Dis-moi où tu prends ta navette, je te dirai qui tu es

Même les petits en expansion mettent en place leurs navettes. Box, jeune entreprise de stockage de documents qui emploie 900 Boxers à Los Altos, a mis en place sa navette en janvier 2013. Un seul bus passe deux fois, matin et soir, dans San Francisco. La première navette part à 6h30 de La Marina, dans le Nord de la ville. Le quartier, plutôt propre et trendy, plaît surtout aux Boxers du service vente et marketing qui ont besoin de commencer la journée au plus tôt pour être en phase avec leurs homologues sur d’autres fuseaux horaires. Pour son deuxième passage, le bus emprunte un trajet différent et démarre à 9 heures dans SOMA, le quartier adjacent au centre-ville,  qui a la préférence des programmeurs. Un Boxer qui emprunte la navette quotidiennement nous décrit l’atmosphère à bord : « beaucoup travaillent, font leur emails ou codent ; certains lisent, et peu jouent sur le téléphone ou finissent leur nuit. C’est majoritairement très productif. Des discussions sur l’industrie, sur un nouvel article ou un nouveau changement dans la boîte se lancent assez souvent. C’est un bon moyen de socialiser ».

Eric Rodenbeck et ses collègues de Stamen ont construit la carte la plus aboutie des trajets effectués par les navettes. Si vous envisagez un investissement immobilier dans la région, celle-ci pourra vous être très utile : plusieurs agents immobiliers ont en effet remarqué que les prix des logements s’envolent s’ils sont situés à proximité d’un arrêt de navette.

Navettes et gentrification des quartiers de San Francisco

Dans l’ère pré-navettes, seuls les quartiers situés aux alentours du Caltrain avaient vu le prix du mètre carré atteindre des sommets. La mise en place des navettes a favorisé la gentrification d’autres quartiers, notamment celui de Mission, et ce remplacement des habitants des quartiers pauvres par des nouveaux-venus à fort pouvoir d’achat est source de tensions sociales importantes. Puisque les employés, qui gagnent en moyenne 100 000 dollars par an, peuvent maintenant se payer le luxe d’habiter dans les quartiers sympathiques et vivants de San Francisco plutôt que dans les lotissements luxueux mais sans âme du Sud de la Vallée, et bien c’est ce qu’ils font, en masse, avec pour conséquences pêle-mêle : explosion des prix de l’immobilier dans les quartiers concernés, augmentation des ressources fiscales pour la ville, renouveau des service proposés, disparition des lieux communautaires traditionnels.

Les mécontents

Ils sont nombreux et imaginatifs, comme en témoigne cette série de tracts qui a fleuri dans les rues du quartier de Mission pendant le boom des dot.com au tournant des années 2000.

On assiste à des bastonnades de piñatas à l’effigie des Google bus lors de « fêtes de quartier anti-gentrification » dans Mission.

Cliquer ici pour une étude plus spécifique des évictions dans le quartier de Mission, on pourra lire l’essai San Francisco’s Hidden Housing History, de James Tracy.

 

Suburbia vs. Hipsteria

La mise en place du système de navettes favorise l’inversion du schéma classique des grandes villes américaines selon lequel les travailleurs habitent en banlieue (suburbia), viennent travailler en centre ville jusqu’à 18 heures, et repartent rapidement vers leur pavillon résidentiel avec garage intégré – une dynamique qui laisse les touristes européens arpenter les rues désertes et pleine de courant d’air à la recherche d’un « restau sympa » entre les gratte-ciel.

A San Francisco, c’est l’inverse. Les quartiers urbains s’animent le soir aux sons chauds des taquerias, des restaurants et bars « concept » qui sentent bon le neuf, et des messes mexicaines dont la musique enjouée déborde sur les trottoirs. Ce mélange éclectique est de plus en plus le royaume des trentenaires aux pantalons serrés (pour mieux chevaucher leur fixie chéri, vélo à pignon fixe dont ils ne tiennent le guidon que d’une main, l’autre étant en train d’envoyer un SMS). Les techies font vivre à leur manière San Francisco, a.k.a. hipsteria, avant de s’échapper au petit matin vers les banlieues homogènes pour écrire des lignes de code qui rendront notre vie technologique toujours plus belle.

 

Conclusion : les passagers clandestins

On le voit, la mise en place des navettes produit du bon (impact pro-environnemental, maximisation du bien-être des employés, développement de nouveaux quartiers) et du moins bon (expulsion des habitants les plus pauvres hors de la ville, perte de la mixité sociale qui est pourtant l’une des forces de SF).

La coexistence entre un système de transport public accessible à tous et les navettes des compagnies privées pose plus largement la question du « passager clandestin » (free-rider). Ce concept, qui sera familier aux économistes, fait référence à une personne qui obtient un avantage sans avoir contribué à la mise en place de la structure qui lui fournit cet avantage. L’exemple classique est celui du passager de métro qui a sauté les barrières plutôt que de payer son titre de transport pour arriver à destination.

Les navettes privées sont-elles les « freeriders » des infrastructures publiques de San Francisco ? Oui, si l’on considère l’utilisation qu’elles font des emplacements d’arrêts de bus publics, l’encombrement des voies de bus municipales aux heures de pointes, et l’impossibilité pour la ville de réguler les trajets des navettes afin de faire respecter la tranquillité des résidents face aux bus surdimensionnés qui dévalent les petites routes pentues de la ville.

Il serait cependant contre-productif de condamner sans réfléchir ces initiatives privées qui ont réussi à mettre en place un système efficace de transportation de masse. Pour conclure cet article sur un point d’optimisme, on pourrait très bien voir se dessiner des formes de coopérations mutuellement bénéfiques, comme la contribution financière de la part des entreprises pour l’utilisation par leurs navettes des infrastructures publiques, un meilleur contrôle des loyers, la mise en place par les agences publiques d’un nombre plus important de voies d’autoroute réservées aux bus et véhicules hybrides pendant les heures de pointes. The sky is the limit ! Et nous on y va en bus.

Ariane Zambiras