Le survivant de l’Holocauste Pinchus Gutter a relaté sa tragique expérience de nombreuses fois, un peu partout dans le monde. Mais cette fois le vieil homme assit face au public de l’auditorium de l’Ecole de Cinéma de l’Université de Californie du Sud n’est pas vraiment Pinchus Gutter.
Les hologrammes entrent dans les musées
Il s’agit de l’enveloppe digitale de l’homme de 80 ans, habillée d’une chemise blanche et d’un pantalon
noir, qui s’adresse directement aux quelques privilégiés venus assister à la démonstration.
L’utilisation d’un hologramme dans un musée est une première et elle a été rendue possible par le travail de chercheurs de USC (University of Southern California). Pour parvenir à ce rendu, ils ont longuement interrogé Gutter à l’aide de multiples caméras, ce dernier étant assis devant un écran vert. L’intérêt de la démarche est de conserver une parole vivante et de rendre le témoignage plus saisissant.
Parler avec un robot
Il y a un peu moins d’un an, les hologrammes étaient déjà sur le devant de la scène. C’était à l’occasion de la dernière édition du festival de musique Coachella, le plus grand rassemblement d’amoureux de la musique de Californie. Lors du concert des rappeurs Dr. Dre et Snoop Dog, Tupac, artiste tué par balles en 1996, avait été ressuscité. Pourtant la réplique de Pinchus Gutter constitue une avancée technologique par rapport au procédé utilisé à Coachella. En effet lors du concert au printemps dernier, il ne s’agissait pas à proprement parler d’un hologramme mais d’une projection en 2D sur une feuille transparente. Dans le cas de l’expérimentation des chercheurs de USC, la projection de la personne est véritablement en 3D, ce qui veut dire que les spectateurs peuvent prendre place tout autour de l’hologramme et non plus seulement de face.
Mais les scientifiques de USC vont plus loin encore, puisqu’ils travaillent aussi à un logiciel de reconnaissance vocale qui rend l’hologramme capable non seulement de raconter ses récits, mais également de répondre aux questions posées par les visiteurs. L’expérience en devient encore plus excitante avec cette dose d’interactivité.
Plusieurs start-up sur le coup
Dès demain dans vos assiettes? Pas vraiment, la création d’hologrammes est encore fastidieuse et très couteuse. Il aura fallu quatre mois et entre 100.000$ et 400.000$ pour réaliser celui de Tupac. Elle a été réalisée par AV Concepts dont les bureaux sont à San Diego et la société Digital Domain.
Après le succès de Coachella, Digital Domain située à Los Angeles et fondée par le réalisateur James Cameron (auteur du Titanic et d’Avatar), a levé 10,5 millions de dollars à la bourse de New York pour financer la création de nouveaux hologrammes, notamment celui d’Elvis Presley, ce qui montre que d’autres projets vont voir le jour.
Disney aussi a tenté sa propre expérience d’hologrammes, dans son parc d’attractions Walt Disney World en Floride, en utilisant ce procédé pour animer la maison hantée.
Un monde de possibilités
Même si les contraintes techniques sont encore fortes, l’hologramme pourrait trouver une utilisation commerciale dans de nombreux domaines très prochainement.
Dans le secteur de la haute couture d’abord, où les hologrammes ont déjà fait leur chemin jusqu’aux podiums. En avril 2011, un show Burberry avait été réalisé, en partie, avec des images 3D, et lors d’une exposition à Londres consacrée à Christian Louboutin, une Dita von Teese virtuelle dansait devant les visiteurs. Alexander McQueen avait lui utilisé en Mars 2006 un hologramme de Kate Moss pour l’un de ses défilés.
Dans le secteur du jeu vidéo, l’entreprise russe Displair s’intéresse aux possibilités offertes par l’hologramme pour apporter une nouvelle expérience degaming. Sa technologie permet pour l’instant de donner une nouvelle dimension à une des stars des jeux sur iPhone, Fruit Ninja.
Les stades américains réfléchissent quant à eux à la possibilité de faire rejouer des rencontres sportives, en remplaçant les athlètes par des hologrammes. On pourrait alors aller au stade pour revoir la finale du SuperBowl. Une utilisation à des fins médicales est aussi envisageable, pour permettre aux étudiants de travailler sur des corps formés par une enveloppe digitale.
Les limites
Avant d’en arriver là, il faudra cependant considérablement réduire le coût de la technologie, pour que des salles de concert ou des stades puissent s’équiper. S’ajoutent à cela des considérations éthiques, car si vu depuis la Silicon Valley cette innovation comporte un intérêt mercantile indéniable, elle pose aussi des questions nouvelles. Le droit est encore muet à ce sujet. Par exemple, s’il est possible de faire parler un mort, peut-on modifier ses paroles ? Et également, à qui appartient le double numérique d’un mort ? Le droit ne dit pour l’instant pas s’il s’agit du propriétaire des droits de représentation ou de celui qui l’a créé.
Autant de questions auxquelles il faudra trouver des réponses avant que l’hologramme n’entre (définitivement) dans notre quotidien.
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