La terre tremble sur le marché du mobile pour Apple et Google

Posté le 15 Mar, 2013

Smartphones low-cost, appétit féroce d’acteurs qu’on croyait neutralisés, nécessité pour les développeurs de s’adapter à un large panel de terminaux connectés: l’hégémonie d’Apple et Google sur le marché mobile se voit enfin mis sous pression. Analyse.

On croyait que le marché du mobile se diviserait entre deux acteurs issus de la Vallée. D’un côté, Apple exerçant un contrôle absolu sur le matériel et l’OS avec l’iPhone et l’iPad. De l’autre, une nébuleuse Android où les constructeurs – HTC, Sony, Samsung, Archos -profitent d’un système d’exploitation universel, capable de tourner sur une infinité de terminaux.

L’air de rien, le Mobile World Congress est venu cette année quelque peu gâcher cette image parfaite d’une innovation concentrée dans la Silicon Valley. Certes, Samsung s’y installe pour être au plus près de ses meilleurs amis/ennemis, mais d’autres acteurs ont décidé de s’attaquer au duopole, en attaquant le marché avec des arguments radicalement opposés. Les cibles viennent désormais du Canada, d’Asie et même d’Europe. Les récentes déconvenues de l’action AAPL n’y sont probablement pas étrangères.

 

Microsoft ou BlackBerry à la 3e place?

L’ascension de Windows Phone 8 s’avère décidément bien plus lente que prévu, malgré les efforts colossaux consentis par des acteurs historiques du mobile comme HTC et Nokia aux côtés de Redmond. Microsoft dispose d’une arme de poids pour s’imposer: s’approprier, à l’image d’Apple, le matériel et le logiciel – déjà sien -.

La décision de produire sa propre tablette, Surface, était sans doute la première étape vers la conception de son propre smartphone. Certes, l’appareil lancé à l’automne dernier n’a pas encore rencontré les objectifs de l’entreprise, mais a débloqué un tabou, que seule la console Xbox était venue briser jusqu’ici: celui de la maîtrise de la chaîne, après plusieurs décennies de partenariat “x86” avec les constructeurs tiers.

Un smartphone Microsoft? Voilà qui inquiète Nokia, entreprise européenne qui commence à peine à retrouver le salut. “Cette décision de se concentrer sur leurs propres appareils pourrait être néfaste pour d’autres constructeurs partenaires comme nous”, peut-on lire dans un récent échange entre Nokia et la Securities and Exchange Commission.

 

De son côté, sans encore avoir été confronté au périlleux marché américain, BlackBerry s’avoue plus que satisfait des premiers résultats de vente du Z10, premier terminal équipé de son système d’exploitation BlackBerry 10. La production a été renforcée à quelques jours du lancement via les opérateurs américains. Thorsten Heins, actuel CEO de l’entreprise canadienne, s’avoue surpris par l’importante proportion (30% en Grande-Bretagne et 50% au Canada) des acheteurs venus d’autres plateformes (iOS et Android principalement): “Le feedback que nous recevons de nos premiers acheteurs est très positif.” Pour l’heure, aucune chiffre de vente n’a été dévoilé, mais l’enthousiasme des développeurs est palpable.

 

La recette de l’ex-RIM n’était pas gagnée d’avance. Nombre d’analystes estimaient en effet nécessaire pour sa survie que BlackBerry procède à l’octroi de licences pour son système BB10 à d’autres constructeurs. Une autre voie a été suivie, celle de la maîtrise de la chaîne: terminal, système, applications, services. Ses armes: une base d’utilisateurs encore solide et estimée à 80 millions d’utilisateurs – inutile de rappeler combien il est fréquent en Silicon Valley de croiser un professionnel équipé à la fois d’un BlackBerry et d’un iPhone -, la fin de l’abonnement dédié BlackBerry Internet, un système flambant neuf équipé d’un noyau QNX, une excellente compatibilité avec les standards HTML5, des applications natives et la capacité de faire tourner des applications Android ou Qt.

Low cost, le nouvel eldorado?

Une importante portion de la croissance mobile est désormais conduite par l’émergence d’une nouvelle catégorie de smartphones, comme le précise Frédéric Filloux sur MondayNote. Ce marché est celui du low cost, l’une des rampes de croissance les plus méconnues ou mal aimées de Nokia et sa gamme Asha à destination des pays émergents.

Si le stand le plus imposant du MWC 2013 était sans conteste celui de Samsung, plusieurs autres acteurs encore mal connus – voire revenants – ont fait preuve d’une étonnante capacité à construire des smartphones sophistiqués à des prix défiant toute concurrence (sous la barre symbolique des 200 euros ou dollars US). Ils s’appellent ZTE, Huawei  et même Alcatel.

logo de l'entreprise Huawei

Leur arme? Android, certes, mais également FirefoxOS. Ce système d’exploitation libre a fait sensation cette année, malgré son état de développement encore peu avancé. L’OS sans licence mise sur la puissance des web apps, des applications qui sont en réalité développées comme des sites web, en respectant à la lettre les standards de plus en plus sophistiqués eux-aussi du HTML5. Nokia fait d’ailleurs partie des éditeurs actifs au lancement en adaptant sa solution de cartographie Here Maps concurrente de Google Maps. Quant à Sony, dont Android est devenu le compagnon par défaut sur le segment mobile, il s’essaye lui aussi à FirefoxOS en proposant à son Xperia E de le tester de manière expérimentale.

Et l’avenir est probablement là aussi. Nous avions chassé les applications de nos ordinateurs avec le web pour ne plus devoir nous soucier de l’OS utilisé. iOS et Android ont très vite compris qu’on ne capture pas des clients sans les rendre captifs: les apps natives sont arrivées.

Le salut s’appelle interopérabilité

Sous l’émergence d’une diversification du marché et la nécessité de toucher le prochain milliard de terminaux connectés, les développeurs sont aujourd’hui face à une telle variété de tailles d’écrans, de systèmes et d’évolution de ces systèmes qu’ils peuvent adopter deux attitudes.

Deux scénarios. Le premier? Se concentrer sur iOS et Android, puis Windows Phone et le BlackBerry s’ils en ont le temps ou la capacité. Deuxième possibilité: développer des “(web) apps” en exploitant les standards du HTML5 et un responsive design, capables de s’attaquer à n’importe quelle résolution d’écran, pour s’assurer une présence sur la plus large quantité de terminaux possibles. Traduction? Se cantonner au marché occidental ou changer de paradigme.

Voilà qui n’est au fond pas sans rappeler le discours prononcé par Steve Jobs au lancement de l’iPhone en 2007: “The full Safari engine is inside of iPhone. And so, you can write amazing Web 2.0 and Ajax apps that look exactly and behave exactly like apps on the iPhone. And guess what? There’s no SDK that you need!” (Le moteur de Safari fait partie intégrante de l’iPhone. Vous pouvez écrire des apps AJAX/Web 2.0 fantastiques, qui se comporteront comme des applications natives sur l’iPhone. Devinez quoi? Il n’y a pas besoin de SDK pour cela.)

On connaît la suite de l’histoire et le formidable eldorado de l’App Store d’Apple, qui lui a permis de dominer largement le marché mobile en valeur, en détournant l’attention du web universel vers des applications natives. La forteresse n’est pas encore tombée, mais la terre commence un peu à trembler pour Apple et Google en Silicon Valley.

Écrit par Cedric Godart

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