Se localiser depuis son téléphone mobile, c’est banal, surtout dans la Vallée, mais quid des conséquences en matière de protection de la vie privée? Deux Universités font le point pour nous.
Il est devenu commun d’utiliser la puce GPS qui se trouve à l’intérieur de son téléphone pour se localiser. Les usages sont multiples: pouvoir déterminer l’endroit où vous vous trouvez pour annoncer le prochain bus disponible à San Francisco par exemple, mais aussi trouver le restaurant le plus proche, votre chemin via un guidage vocal et vos amis, où qu’ils soient sur la planète. En permettant à un smartphone Android de vous suivre à la trace via Latitude, où que vous alliez, vous pouvez obtenir de Google des statistiques très précises indiquant le temps passé au boulot, dans la voiture ou à la maison. Vous avez dit… intrusif?
Vous êtes suivis à la trace
Une étude universitaire vient d’être publiée dans Scientific Reports le 25 mars dernier. Le sujet est ultra-sensible, puisqu’il touche à des données personnelles. Cette étude a été menée par le MIT aux Etats-Unis et l’UCL en Belgique. Les données d’environ 1,5 million d’utilisateurs anonymes ont été analysées durant 15 mois. Sur la base des données collectées, les chercheurs ont pu identifier à peu près 50% des utilisateurs. “Identifier” signifie qu’on peut mettre un nom et un prénom sur des donnnés.
Et la controverse ne fait que commencer. Depuis des années, les opérateurs mobiles ont la capacité d’identifier l’antenne sur laquelle votre téléphone mobile est connecté. Ces données sont d’ailleurs utilisées par les forces de l’ordre – c’est logique – lorsqu’elles cherchent un suspect. Mais au-delà de l’antenne, la puce GPS donne désormais des données beaucoup plus précises, à quelques mètres près.
Depuis avril 2011, on sait qu’Apple et Google stockent les données de localisation régulièrement. Plusieurs fois par heure, un appareil Android envoie des informations à Google. Pareil pour Apple, Nokia, BlackBerry, Microsoft… Pour couper le robinet, la solution revient à désactiver les services de localisation. Mais cela n’empêche pas d’autres applications de transmettre votre localisation, avec votre autorisation, au cas par cas. Songez au nombre d’applis à partir desquelles vous pouvez définir le lieu précis où vous vous trouvez: Twitter, Instagram, Foursquare, Facebook, Yelp, Find my Friends, Badoo, Grindr, Google Maps. La liste est longue.
Aux Etats-Unis, on prend l’affaire très au sérieux
Un projet de loi vient d’être été déposé. S’il est adopté, il faudra désormais disposer d’un mandat avant de pouvoir obtenir des données de localisation auprès des éditeurs d’application et des opérateurs. Dans un monde d’infobésité où l’on accepte sans réfléchir des conditions générales sans les avoir lues, des voix s’élèvent. Il y a quelques mois, dans le Monde, un Professeur de l’Université de Namur (Belgique), Antoinette Rouvroy a mis en lumière une capacité absolument effrayante dont disposent désormais des compagnies privées, celle de pouvoir “gouverner les individus sans être des gouvernements”. Elle plaide pour que le flux d’informations collectées soit “interrompu pour pouvoir être analysé, évalué et contesté.”
Adapté d’une chronique radio pour la RTBF (Belgique)
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