Silicon Valley : quelles leçons pour la santé mondiale ?

Posté le 16 Mar, 2013

Le dernier TEDxSF avait pour thème la proposition ambitieuse de réinventer la santé mondiale pour  « 7 milliards de gens bien portants » (« 7 Billion Well : Re-Imagining Global Health »)

A cette conférence tenue sur le nouveau campus de UCSF à Mission Bay, les organisateurs de TEDxSF avaient invité des intervenants prestigieux et respectés, souvent locaux, professeurs à Stanford, chercheurs à UCSF, entrepreneurs dans la santé digitale, investisseurs, organisations à but non-lucratifs, et artistes pour redéfinir ce concept de « santé mondiale ».

Les présentations se succèdent, les orateurs sont tour à tour inspirants, provocants, émouvants. Un thème en émerge: le rôle de la Silicon Valley dans cet élan vers la « santé mondiale ». Les avancées médicales sont au premier plan – pas étonnant puisque nous sommes sur un des campus de recherche médicale les plus avancés au monde. Pour ma part, je suis convaincue que la Silicon Valley sera un centre stratégique de recherche médicale et de développement technologique,  et que ses modèles seront clef à la mise en place de changements profonds, novateurs, et durables à travers le monde.

Alors quelles tendances de la Silicon Valley vont permettre de prendre soin de 7 milliards de gens ?

Santé mondiale : une nouvelle définition

Quand on entend « santé mondiale» ce qui vient d’abord à l’esprit sont les maladies pandémiques et infectieuses, la mortalité infantile, et l’inégalité d’accès aux soins et à la vaccination. Or, ce sont les maladies chroniques qui sont aujourd’hui la première cause de mortalité dans le monde (à plus de 60% selon l’OMS http://www.who.int/chp/en/).

 

Et justement, nous le rappelle Dr Jess Ghannam de UCSF, nous savons comment prévenir 80% de ces maladies chroniques (cardio-vasculaires, diabète, certains cancers) par des changements de comportements simples.

Ces comportements sains, nous les connaissons (et nous Français peut-être mieux encore) : nourriture saine et équilibrée, contrôle de son poids, exercice régulier, rituels, échanges sociaux. Mais c’est souvent plus facile à dire qu’à faire et quand il s’agit d’appliquer ces principes et de s’y tenir chaque jour quand on est pressé, fatigué, stressé, c’est moins évident.

 

Et c’est là que la technologie émanant de la Silicon Valley peut nous apporter son concours. Les applications de santé digitale et le self-tracking peuvent nous aider à (re)prendre contrôle et à transformer nos habitudes par petites étapes a notre portée et mesurables.  C’est ce sur quoi repose le modèle de « behavior change » de BJ Fogg à Stanford [http://www.behaviormodel.org/].

 

Des applications pour nous motiver à rester en forme

Ces applications tirent à la fois partie des fonctionnalités des téléphones mobiles (accéléromètre ; gps ; sms ; calendrier/memos) et s’inspirent souvent des mécaniques de jeu (« gamification ») pour influencer positivement nos comportements par des systèmes de points, récompenses, pression sociale, compétition, etc. Par exemple, Mango Health, basée à SF, a reçu près de $2 M de financement cet été pour créer une plateforme de ce type. Et ce n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres tant ce marché est porteur et dynamique.

Des outils pour évaluer notre santé

Ces outils permettent aussi la capture de nos données de santé. Justement c’est aussi d’ici qu’émane le mouvement désormais mondial de Quantified Self [http://quantifiedself.com/]: l’exploration de la quantification personnelle de nos données de santé grâce aux senseurs et capteurs présents dans nos mobiles,  mais aussi pédomètres et autres FitBits.

 

Et les domaines d’application couvrent un large spectre puisque ces outils peuvent aussi bien nous motiver à rester en forme ou à perdre du poids qu’à nous aider à faire face à  des traitements lourds ou de suivre notre électrocardiogramme en temps réel dans le but de prévenir les crises cardiaques (AliveCor).

 

Plus besoin de médecin?

Ces outils permettent donc une prise en main de notre propre santé, ce qui tombe a pic puisque nous n’aurons jamais assez de médecins (humains) pour soigner 7 milliards de personnes.

 

Heureusement, Vinod Khosla, un des investisseurs les plus réputés de la Valley, se fait pythie et nous annonce que la relève n’est pas loin.

Selon cette vision, ce seront des ordinateurs super puissants qui permettront de produire des diagnostiques fins basés sur des montagnes de données, décryptées en temps réel, pour en quelque sorte laisser la science a ces machines et permettre aux professionnels de la santé de se concentrer sur le côté humain de cet art.

 

Bientôt une réalité en Californie

Nous n’en sommes pas très loin puisque les hôpitaux se bousculent pour trouver les outils de modélisation prédictive pour identifier des risques (de réadmission notamment) pour des maladies bien quantifiables comme la cardiologie. Certains établissements a la pointe comme UCSF vont jusqu’à appliquer ces modèles pour des maladies dont le diagnostique repose largement sur l’analyse clinique, comme certaines maladies neuro-dégénératives.

 

Nous sommes ici dans un cadre de personnalisation des protocoles de traitements. Or la baisse prodigieuse des coûts de séquençage d’ADN entre autres avancées nous permet d’imaginer que la « médecine personnalisée » (l’utilisation des données personnelles pour décider du meilleur traitement) va bientôt dépasser le cadre de l’oncologie et nous permettre des protocoles de soins préventifs adaptés à chacun.

Dr Ornish a démontré que l’expression des gênes, c’est–à-dire l’interprétation de notre code génétique, peut être transformée considérablement en seulement 3 mois grâce à  des changements de style de vie simples. Même si nos gênes nous prédisposent pour des maladies cardio-vasculaires par exemple, il est à notre portée de combattre ces atavismes.

Financer l’innovation

Ce nouveau domaine de la santé mondiale représente aussi de nouvelles opportunités économiques. Or Silicon Valley rime aussi avec financement de l’innovation. Et au-delà des traditionnels fonds d’investissements et « venture capitalists » de Sand Hill Road, on y voit croître indépendamment un modèle alternatif de financement appelé le « crowdfunding ». Un exemple récent illustre particulièrement bien le pouvoir de cette nouvelle tendance : le mois dernier, Misfit Wearables [http://www.misfitwearables.com/] a lancé une campagne de 30 jours sur IndieGogo dans le but de prouver que la demande existe pour leur nouveau produit de self-tracking « The Shine » ainsi que pour lever les fonds nécessaires ($100k) au lancement de sa production de masse. C’est la voix du marché, directe, sonnante et trébuchante.

Résultat ? En moins de 9 heures, The Shine a rempli 100% de son but, et a levé $200k auprès de plus de 2,000 « investisseurs » en 3 jours. Forts de ce succès, Misfit a augmenté le but de la campagne à $500k et (au moment de la rédaction) ils ont déjà levé $420,000 et il reste encore 24 jours avant la fermeture de cette seconde campagne… Cela ouvre bien des perspectives.

La Silicon Valley sera pionnière de la sante mondiale, en tant que pole d’attraction de recherche scientifique et centre névralgique d’innovation technologique, mais ce sont avant tout les outils qui en émanent qui nous mèneront une personne à la fois vers « 7 Billion Well ».

Écrit par Raphaelle Loren

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