SB – 962 : protection ou loi scélérate ?
En août 2014, le Sénat Californien a approuvé une loi (SB-962) qui imposerait à tous les téléphones cellulaires vendus en Californie d’avoir un « kill switch » rendant l’appareil inutilisable en cas de vol, avec cependant la possibilité de réactiver l’appareil si le propriétaire le demande. Selon son auteur, le sénateur démocrate Mark Leno cette loi devrait « instantanément stopper les voleurs de téléphones cellulaires ». La Californie est le deuxième état (après le Minnesota) à avoir passé une telle loi. Ceux qui supportent cette loi insistent qu’elle est particulièrement utile pour protéger les enfants qui se font voler leurs iPhones (ou autres smartphones qui sont en forte demande) et risquent plus que les autres utilisateurs de se faire blesser ou même tuer. Le problème bien sûr est de savoir qui peut activer le système, et pourquoi ?
Pour beaucoup, (dont la puissante CTIA – qui représente l’industrie des téléphones mobiles), il vaut mieux suivre les téléphones volés (via leur code interne) et remonter vers leurs utilisateurs plutôt que de les incapaciter. La CTIA propose même de créer une base de données des téléphones volés et de faire remonter l’information après chaque incident, permettant par exemple une meilleure information sur les bandes organisées. Mais surtout les associations de défense des libertés individuelles soupçonnent un piège. Il sera trop facile pour le gouvernement (local ou fédéral) de demander l’activation de cette loi, non seulement sur des bases générales (comme un district ou une ville), mais aussi en sélectionnant précisément chaque numéro de téléphone figurant sur une liste… rien de plus facile avec un ordinateur, même portable ! De là à penser que certains critères de sélection puissent être politiques, comme cela a été le cas dans le scandale de l’IRS (qui pendant plusieurs années a discriminé contre les associations associées au Tea Party en leur refusant leur statut fiscal préférentiel). Plus inquiétant encore, Parker Higgins (membre actif de l’Electronic Frontier Foundation) pense que cela permettra à des administrations de bloquer ou aveugler journalistes, activistes, citoyens-journalistes, etc. Le mal peut aussi être plus insidieux si la mesure est accompagnée de modifications des lignes de discussions sur les réseaux sociaux, permettant d’éliminer la propagation de messages « mal pensants » en en limitant la diffusion organique. Finalement, il y a le danger très réel qu’une fois le système a été mis en place sur tous les téléphones de Californie, il puisse fournir une « porte secrète » des hackers opérant seuls (par pure malveillance) ou pour le compte d’une organisation commerciale ou représentant des intérêts partisans ou même venant de pays étranger. Pour en savoir plus, il est passionnant de lire un article dans lequel Mat Honan, un journaliste de Wired raconte en détails sa mésaventure : www.wired.com/2012/08/apple-amazon-mat-honan-hacking).
De San Francisco, John Forge