À quelques mois d’un projet de loi sur la transition énergétique, et dans la perspective de la Conférence Climat des Nations Unies à Paris en 2015, la France cherche à définir ses objectifs et sa trajectoire en matière d’énergie et de sauvegarde de l’environnement. En quête d’inspiration, elle se tourne naturellement vers la Silicon Valley. La preuve par l’exemple…
Depuis décembre 2012, Nicolas Hulot est envoyé spécial du Président de la République pour la protection de la planète, avec pour mission de sensibiliser, informer et mobiliser la communauté internationale sur la crise écologique mondiale et les moyens pour y faire face, notamment là où ces enjeux ne sont pas suffisamment pris en compte. À ce titre, il a été récemment amené à visiter les grands centres de décision et d’innovation américains en lien avec l’énergie. Après un passage par la Maison Blanche, où il s’est entretenu avec des membres de l’administration Obama, et une visite de centres de recherche du Colorado sur les énergies renouvelables, il a atterri le 15 octobre à San Francisco. S’en est suivi un marathon entre startups et laboratoires de recherche, en passant par Stanford et Google, où il a eu l’occasion d’en apprendre davantage sur l’innovation énergétique à l’œuvre dans la Bay Area. À peine le temps de souffler, et pourtant, le 15 octobre, il était parmi nous, Français de la région, rassemblés le temps d’un soir à la Résidence de France autour du thème “La Silicon Valley peut-elle sauver l’environnement ?”.
Sa présence ici n’était pas un hasard. Depuis plusieurs dizaines d’années déjà, la Californie est un véritable laboratoire à ciel ouvert, développant et implémentant des technologies et politiques publiques novatrices, en atteste la multitude de jeunes entreprises qui fleurissent dans la région. Ainsi, à Nicolas Hulot qui se préoccupait des limites de notre planète, a été présenté le concept de voyages à portée écologique, projet de startup de l’une des invités. D’autres activités originales, allant du fromage sans lait au stockage d’électricité, ont éveillé l’intérêt de l’ancien animateur, qui n’a pas boudé son plaisir de terminer la soirée par un tour de Pacific Heights dans la Tesla de l’un des participants – Tesla est une marque de voitures 100% électriques fabriquées dans la baie de San Francisco.
Ça n’est pas la première fois que la France se penche sur ce côté du monde à la recherche d’ídées innovantes. Nous-mêmes, doctorants français de l’Université de Berkeley, avions organisé le 19 juin dernier un débat sur la transition énergétique en France – le seul proposé aux Français établis à l’étranger. Pour nous qui sommes fortement impliqués dans le domaine de l’innovation énergétique à travers nos études et nos travaux de recherche, c’était l’occasion d’apporter au débat national qui se déroulait en France l’expérience personnelle et professionnelle de nos concitoyens établis en Californie.
À l’issue de discussions avec un panel d’experts du domaine de l’énergie parmi lesquels des chercheurs, des représentants de startups ainsi que d’EDF et AREVA Solar résidant aux États-Unis, une synthèse assortie de propositions a été élaborée avec les invités afin d’être transmise au gouvernement.
Comme souvent, la question du nucléaire n’a pas fait pas consensus. Le thème des énergies renouvelables n’a pas non plus fait l’unanimité, en dépit de l’alternative au nucléaire que celles-ci représentent, certains des participants soulignant le risque d’un retour à l’emploi de centrales thermiques émettrices de gaz à effet de serre pour compenser l’intermittence de ces sources énergétiques.
Si l’équation technologique, écologique et économique s’avère difficile à résoudre, le débat a néanmoins permis de dégager une convergence d’opinions sur le rôle de régulation de l’État pour inciter à une plus grande sobriété, notamment dans le domaine des transports et de l’efficacité énergétique; l’importance de ne pas sacrifier l’avance technologique de la France dans le domaine du retraitement des combustibles nucléaires; la nécessité d’adopter des régulations plus strictes au plan national et européen pour limiter les émissions polluantes de sources fossiles, ou encore celle d’investir dans les technologies de stockage de l’électricité pour développer les énergies renouvelables dans le bouquet énergétique. Au-delà de ces considérations, il est indéniable que la France a beaucoup à apprendre de l’expérience californienne en matière de stratégies de développement.
À cet égard, les participants ont su pleinement faire part de leur expérience positive dans l’écosystème de la Silicon Valley : encouragement de la recherche et dédramatisation de l’échec, pôles d’innovation rassemblant des entités de différentes natures évoluant dans le même domaine, concentration des opportunités structurelles et financières sur un nombre restreint de projets énergétiques prometteurs, communication à grande échelle des success stories de startups et entrepreneurs, mais aussi aménagement des études supérieures encourageant la flexibilité des parcours scolaires et les échanges d’étudiants, de professeurs et de professionnels de l’énergie avec l’étranger.
Ces initiatives sont la preuve du lien étroit qui unit les Français et la Silicon Valley. Si la présence de Nicolas Hulot à San Francisco a démontré que la France ne peut se permettre de négliger la Californie dans sa quête d’une voie à suivre, le débat du mois de juin, en retour, rappelle l’attachement de notre communauté à ses racines. Une approche finalement naturelle pour un enjeu qui dépasse les frontières.
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